L'université en mutation

Zoom / Après la réforme LMD (voir encadré), c'est au tour de la loi sur l'autonomie des universités d'entrer en vigueur. Plus d'autonomie, plus de pouvoir pour les présidents, mais des facs toujours sous-financées et des bourses vides. Qu'est-ce la loi va changer pour les étudiants ? Bernard de Vienne & Dorotée Aznar

Le 1er août dernier, la loi qui donne une plus grande autonomie aux universités a été votée. Le texte adopté modifie leur fonctionnement en profondeur : les conseils d'administration seront réduits de moitié et le président de l'université deviendra le véritable maître à bord. Les présidents d'université, qui avaient milité en faveur de plus d'autonomie, pourront à terme choisir leurs enseignants et leurs chercheurs, créer des enseignements et conclure des accords avec les grandes écoles, les entreprises... Ils disposeront d'un droit de veto sur l'affectation des personnels et pourront recruter des contractuels. La première étape consistera à élire les nouveaux conseils d'administration. La seconde étape, qui débutera en 2008, permettra aux universités de choisir si elles prennent tout de suite une autonomie totale (avec gestion du personnel et de l'immobilier) ou progressivement. Actuellement, les universités ne sont pas propriétaires de leurs murs qui appartiennent en quasi-totalité à l'État. Pour la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, «La réforme [...] fait le pari de la liberté et de la responsabilité», en confiant aux universités «des responsabilités qu'elles n'étaient pas en mesure d'assumer auparavant». Résultat, «Nos universités pourront garder, attirer et retenir les meilleurs» tandis que l'État se portera «garant de l'égalité entre étudiants, entre territoires et entre établissements». Asphyxie budgétaireGarantir l'égalité quand les dépenses de l'État varient déjà du simple au double entre un étudiant de faculté à 6000 € par an et un étudiant de grande école ne sera pas une sinécure. Valérie Pécresse compte ouvrir «Cinq chantiers pour changer l'Université», l'un d'eux portant sur l'amélioration des conditions de vie étudiante. Mais là où le rapport de Laurent Wauquiez, porte-parole du gouvernement, préconisait d'injecter 150 millions d'euros dans le système des bourses, Valérie Pécresse reste bien en deçà. Son ministère prévoit 50 millions, et ce... pas avant la rentrée 2008. Concrètement, la seule bonne nouvelle pour les étudiants est que les droits d'inscription à l'université ne devraient pas augmenter et resteront fixés par l'Etat. On se souvient à Grenoble des frais de 800 euros, voire 1000 euros (record de France) demandés par l'Université Pierre Mendès-France (UPMF) il y a deux ans, illégaux et aujourd'hui largement abandonnés. Pour trouver des fonds, les universités ne pourront donc plus essorer les étudiants, mais devront nouer des partenariats avec des entreprises, créer des fondations... Alain Fernex, vice-président du Conseil des Études et de la Vie Universitaire (CEVU) à l'UPMF, considère pour sa part que l'abandon des droits spécifiques n'a rien arrangé. «Ça permettait de mutualiser les dépenses des étudiants sur la reproduction de documents, payer des intervenants extérieurs. Le débat est vif, certains étudiants voudraient qu'on les rétablisse». L'entrée des entreprises, même si la loi le prévoit, ce n'est pas pour demain : «Pour le moment c'est balbutiant, ça dépendra des réseaux des uns et des autres. Mais pourquoi pas ? Ça se fait aux États-Unis depuis toujours». La nouvelle loi prévoit aussi qu'à la rentrée 2008, le bénéfice des bourses sera étendu à davantage d'étudiants. Une fois réévaluée la barre des revenus familiaux donnant accès à une bourse (actuellement, 1400 euros par mois maximum pour les bourses sur critères sociaux), 50 000 étudiants supplémentaires devraient être exonérés des frais d'inscription, ce qui portera le nombre d'étudiants boursiers à 550 000. Pour ceux qui n'ont pas droit aux bourses et qui travaillent pour payer leurs études (un étudiant sur deux environ), il a été décidé que les revenus des étudiants de moins de 25 ans seront défiscalisés dans la limite de trois SMIC par mois (2 955 euros au total !), même s'ils sont rattachés au foyer familial. Là où le bât blesse, c'est que le logement, poste de dépense croissant des étudiants, augmente en général proportionnellement aux aides accordées par l'Etat (voir interview de Delphine Grand en page 6).Sélection pas très naturelleLes syndicats étudiants sont farouchement opposés à la sélection à l'entrée de l'université, comme cela existe à l'entrée en M2. L'idée du gouvernement pour ne pas se mettre une grève sur le dos est d'aider les élèves de terminale à s'orienter : les lycéens devront transmettre un dossier à l'université où ils comptent s'inscrire. Celle-ci émettra un avis favorable ou défavorable mais sans effet contraignant. Le futur étudiant pourra s'inscrire où bon lui semble, le Bac restant le seul sésame. Quant à la sélection tant décriée, elle est déjà effective. Les meilleurs élèves désertent généralement les bancs de la faculté pour s'inscrire dans les filières sélectives : écoles d'ingénieurs, IUT, prépas et grandes écoles. Le taux de réussite élevé dans ces filières en atteste. Pour Alain Fernex, la solution n'est pourtant pas de renforcer la sélection. «Certains étudiants sont très éloignés des exigences universitaires mais on ne nous donne pas les moyens de les aider à tenir ces exigences de réussite. Avec l'autonomie, les universités doivent assumer de nouvelles missions, comme l'orientation et l'insertion. Cela coûte cher, et les réformes se font à moyens constants» indique-t-il encore, trouvant la réforme nécessaire mais incomplète. Jacques Gasquy, Vice-président du CEVU de l'Université Joseph Fourier (UJF) est déjà amené à sélectionner des étudiants de master : «Nous faisons passer un entretien après la licence. Si l'étudiant est très bon, nous lui garantissons une entrée en M2 dans la spécialité de son choix. S'il est moins bon, on lui garantit un M2 mais pas forcément celui qu'il demande, et s'il n'est pas au niveau on ne lui garantit rien. Les rares problèmes sont des erreurs d'orientations, très peu restent sur le carreau». De son point de vue, la logique voudrait pourtant qu'on ne fasse aucune sélection : «Les licences générales, à la différence des licences pro, sont clairement destinées à une poursuite d'études. Pourquoi arrêter à la licence ?». Question purement rhétorique : la réponse est dans l'état des finances publiques.

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