Mazdak Kafai, tête de la liste Grenoble 100% à gauche (LCR)

Petit Bulletin : Quelles seraient vos priorités en termes de développement culturel une fois élu ?
Mazdak Kafai : Je suis directeur d'une école de musique. Les questions culturelles m'intéressent. Vu la politique menée à Grenoble, qui est une politique de prestige, avec une politique culturelle qui n’irrigue pas tous les quartiers, notre première priorité va être le développement des équipements de proximité.
Mais au-delà de cet aspect qui peut paraître tarte à la crème, il y a tout à faire en ce qui concerne l’éducation artistique. J'ai des collègues qui commencent les ateliers en école primaire : on peut élargir aux écoles maternelles et titulariser les intervenants précaires. Et développer des projets croisés entre les différentes pratiques artistiques, théâtre et arts plastiques.
Le désengagement de l'État à hauteur de 6%, ça représente 900000 euros de moins en Rhône-Alpes, les grands équipements, les évènements culturels ne sont pas touchés. C'est plutôt les petites compagnies de théâtre, les écoles de musique municipales ou les associations qui le sont. Au niveau du département, les moyens ne suivent pas du tout, et tout cela débouche sur une pression de plus en plus forte sur les communes, les municipalités, qui elles font le choix, et à Grenoble c’est clair, de développer les structures de prestige.
Ce désengagement en cascade fait qu'on apporte de moins en moins aux plus jeunes et que l’accès de plus en plus réduit. Pour nous la culture est un élément essentiel du vivre ensemble, de l’émancipation et de l’éducation. Ce n'est pas le parent pauvre. Quels seraient vos critères d'attribution des subventions ?
Le critère c'est la durée : ce ne sont pas des projets ponctuels qu'on veut mettre en avant, c'est le long terme qu’il faut viser. Des projets qui s’implantent auprès des quartiers pour qu’il y ait une interaction entre les publics et les artistes. La durée, c'est la mandature, et encore, ce n'est pas suffisant. On est pour développer des projets de pratiques amateurs, pour que le public ne soit pas seulement spectateur, mais actif.
On pense qu'il faut développer le rôle des professionnels et intégrer cette demande des publics. L'exemple concret de ce qu'il ne faut pas faire, ce sont les 438000 euros de subvention directe pour l'Orchestre des Musiciens du Louvre de Marc Minkowski. En réalité c’est beaucoup plus que cette somme, puisqu’il a la Salle Messiaen à disposition, les avantages en nature, et en plus, c’est un Orchestre qui joue très peu à Grenoble et en Isère, et qui n’a aucune pratique éducative pédagogique.
Evidemment, ce serait un des choix que l’on ne ferait pas. Car derrière, pour monter des concerts scolaires, on court après les subventions et on paie mal les gens. Je suis pour une scène artistique de qualité, mais aussi pour un accès à tous, d’éducation populaire, il faut articuler les deux. Ce n’est pas possible d’avoir une MC2, une grande structure pour des grands concerts classiques, mais pour un faible public. Une minorité a accès à ces concerts, notamment pour des raisons de tarifs prohibitifs.Compte tenu du désengagement de l'Etat et des baisses de budget, comment concevoir au niveau local une politique viable?
La municipalité ne fait pas cette politique culturelle parce qu'elle ne le veut pas. La Municipalité gauche plurielle qui rassemble PC, PS, Verts, le Conseil Régional qui est gauche pluriel, ou le Département font le choix de développer les grands festivals, Berlioz, Jazz à Vienne. C’est bien, il faut le faire. Mais il y a une cohérence, une grande compatibilité entre les politiques de la droite et de la gauche sur les pratiques culturelles.
Les communes évidemment ne peuvent pas tout. Mais il y a des marges de manœuvres. La culture est utilisée pour le prestige du maire, qui satisfait une certaine catégorie de la population qui l'a élu. C’est une pratique clientéliste de la culture qu’il faut combattre. La culture doit être un apport aux populations. Une politique culturelle à l'échelle de l'agglomération est-elle envisageable ?
Ça pourrait être une compétence de la Métro, mais je ne dis pas qu'il faudrait que ça le soit. Ce qui me choque d’abord, c’est que ces élus-là ne le sont pas, élus, au suffrage universel : dans la mesure où ce problème serait résolu on pourrait imaginer une politique d’agglomération avec la mise en réseau des écoles, bibliothèques, des compagnies. Êtes-vous favorable à une plus grande ingérence du privé dans la sphère culturelle, par la biais du mécénat notamment ?
NON. C'est clair. On le voit au niveau national, mais aussi local, le choix du mécénat est de plus en plus fait avec la Société Générale, Vinci, des musées : cette marchandisation de la culture fait qu'à un moment on choisit qui on met en avant : les pratiques amateur en pâtissent, les populations sont exclues, c’est une culture de prestige, c'est un recul de la civilisation, comme dirait un certain Nicolas. On en revient au bouffon du roi.
L’artiste n’est pas au service de l’image, du prestige de telle entreprise, telle commune. Même dans les petites écoles, on nous pousse à chercher des sponsors privés ! Les grands candidats, Destot et Sans-Nicolas, sont d'accord avec ça. Ce n'est pas étonnant qu'on voit des ministres socialistes au gouvernement et que Destot s'ouvre à sa propre opposition : il y a une compatibilité des politiques sur le plan culturel comme social. Dans ce contexte-là, s'appeler 100% à gauche ce n'est pas qu'une provocation.

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