Olivier Bertrand 2e de liste Grenoble 2008-2014, Écologie et Solidarité en actes (Verts)

Quelles seraient vos priorités en termes de développements culturels une fois élu ?La priorité, elle est déjà engagée, c’est ce qui va se passer sur le quartier Bouchayer-Viallet, avec la salle de musiques amplifiées. C’est une action que l’on soutient, et que l’on a mis comme projet de campagne. La principale différence avec le projet tel qu’il est défini aujourd’hui, c’est qu’on souhaiterait que le quartier Bouchayer-Viallet devienne un pôle culturel identifié avec une compréhension, un travail commun entre les différents lieux sur place : le Stud-l’ADAEP, la future salle de musiques amplifiées, Cap Berriat, Mann’Art(e) avec la Salle Rouge et la Salle Noire. Il y a vraiment un potentiel pour faire quelque chose sur Grenoble, et éventuellement voir émerger un festival autour des musiques électroniques ou des musiques rock. Ce que j’avais déjà dit, en revanche, c’est que ce n’est pas à la Ville de le définir. Mais en tout cas, il y a le potentiel pour, à la Ville de le soutenir. L’autre priorité, vu le manque dans ce domaine-là sur Grenoble, c’est, à mon avis, les musiques actuelles, les “cultures jeunes“, pour reprendre un terme que je n’aime pas trop. C’est assez triste de voir la programmation du Summum cette année, moi, je vais moins en concert maintenant qu’il y a 7 ou 8 ans, mais j’ai quand même le souvenir d’une programmation avec beaucoup de groupes internationaux, de rock et d’autres styles. Là, en dehors de Yannick Noah, et de Dionysos, il n’y a vraiment pas grand-chose. Après, il y aura sans doute des trucs plus tard dans l’année, qui n’étaient pas programmés au départ, mais ça montre quand même que Grenoble n’est plus dans les grands circuits de tournée internationaux. Donc si je devais résumer les priorités, les musiques actuelles avec la salle de Bouchayer-Viallet en premier lieu, et éventuellement en 2e point, une requalification du Summum, avec au moins 1000 places de plus pour rejoindre de nouveau les circuits internationaux.Comment envisagez-vous un équilibre financier entre institutions et structures indépendantes ?Je pense qu’il faut absolument arriver à travailler avec des conventions pluriannuelles, pas avec tout le monde parce qu’il ne faut pas non plus être démago, mais avec une bonne partie des associations et compagnies. En général, les conventions pluriannuelles durent 3 ans, ce qui permet aux artistes, et à tous les acteurs de la culture, de passer moins de temps sur la recherche de subventions et plus de temps sur le projet artistique. Honnêtement, quand je vois, par le biais de mon travail à Cap Berriat, le nombre d’associations qui rament, et le temps qu’elles passent à monter des dossiers, à prendre des rendez-vous… Ça ne veut pas dire qu’on va faire beaucoup plus de conventions, et qu’on dépensera beaucoup plus de fric, mais au moins, il y aura une vision, et une stabilité, sur du plus long terme. Après, quand on voit la crise de l’intermittence, les structures associatives qui s’essoufflent, les compagnies qui n’ont pas de lieu, bref toute la problématique de la Culture, on ne pourra pas subvenir à tout ça c’est une évidence. Donc comme on ne pourra pas augmenter énormément le budget de la Culture, il y a obligatoirement besoin de répartir les moyens actuels, c’est la seule solution. On ne peut pas baisser la subvention aux grands équipements, comme la Maison de la Culture : les frais de fonctionnement sont très lourds : 40 salariés, 4 salles… Et comme ils doivent rester stables, ça voudrait dire que c’est la part consacrée à l’artistique qui baisserait. En revanche, j’ai gueulé quand la Région est rentrée pour financer l’équipement, alors qu’il y a des besoins partout ailleurs. Pourquoi mettre du fric là où il pleut déjà ? Le problème, c’est qu’il n’y a pas une véritable réflexion de fond sur ce qu’est la Culture aujourd’hui. La démocratisation culturelle, si chère à Malraux, fonctionne de manière très limitée. Seuls 7% des Grenoblois fréquentent la Maison de la Culture. Si on met tout le fric là-dedans, au mieux, avec des conventions très ciblées, on arrivera à 8 % ou 9%. N’empêche que le reste des Grenoblois n’ira toujours pas voir un spectacle à la Maison de la Culture. Moi j’ai bataillé, par exemple, pour que la Salle de Création, à côté du bar, devienne une salle avec une programmation sur les musiques actuelles. Et ben non, ça n’a pas été accepté, alors que dans le programme de saison, il y a une fois les Rita, une fois 2, 3 autres trucs, et ça s’arrête là. J’avais même plaidé pour que ça devienne la salle de musiques amplifiées de Grenoble, sans qu’on parle de Bouchayer-Viallet : au moins, il y aurait eu une identification complètement nouvelle sur la MC2, et ça aurait permis de sortir du discours “alors, pour les djeun’s à casquettes, on va faire la salle des musiques actuelles avec le chill-out, pour les vieux, on fait l’Auditorium, etc“, qui est une manière détournée de ne pas croiser les publics. Au final, on m’a répondu : “on n’est pas les Galeries Lafayette…“. On voit la conception qu’il y a dans le milieu culturel aujourd’hui. Je veux dire, à un moment donné, il faudrait mettre une crèche dedans, faire des trucs pour qu’il y ait d’autres personnes qui viennent, ça se fait dans plein d’autres pays, ça existe partout. Ben voilà, ici ça n’existe pas, on maintient cette relation avec un public très spécifique. Et ça a été conçu comme ça, quasiment politiquement, ce qu’il faut comprendre, c’est que le terme même de “MC2“ a pour vocation d’interpeller les ingénieurs, les profs, ce qui fait la “hype“ grenobloise. Ça assouvit la vocation de rayonnement de Grenoble, qui veut absolument être identifiée au niveau européen comme la ville branchée des nano et micro technologies. Il n’y a pas de vocation culturelle en tant que telle, c’est juste un outil de communication, de rayonnement et d’assise politique, électorale, parce que cet électorat-là est sensible à l’argument culturel alors que d’autres non. Avoir une programmation culturelle de qualité pour 7% des grenoblois, c’est important, c’est quelque chose qu’ils vont prendre en compte quand ils vont voter. Il manque un esprit de culture populaire sur Grenoble, il y a une forme de dénigrement, ou en tout cas de non-prise en compte, de ce que pourrait être une culture populaire, et qui passe par des cafés-concerts, du spectacle de rue, des salles qui programment sans que ça pose de grosses difficultés partout. Tout ça existe plus facilement dans les villes du Nord, parce qu’il y a encore une culture populaire beaucoup plus forte, et se retrouve également dans beaucoup d’autres villes parce que ces dernières avaient une véritable volonté, souvent concrétisée autour de gros festivals. Bon, et bien ça n’existe pas à Grenoble, et ce n’est pas normal au vu de la population locale.Comment composer une politique culturelle viable avec les baisses de budget en vigueur depuis cette année ?Une première chose : les baisses du budget de l’État concernent essentiellement les grands établissements, notamment les Scènes Nationales et les équipements conventionnés. Ce qui est assez logique, puisque ça fait de nombreuses années déjà que l’État s’est retiré du champ culturel. En gros, il a gardé sous le coude les grandes scènes, mais il n’est plus le principal financeur des compagnies, des artistes, ou des plasticiens, depuis déjà longtemps. Donc en dehors des grands équipements, ça ne changera pas fondamentalement la donne. Là où se situe le problème, en revanche, c’est qu’on est dans un établissement public de coopération culturelle. Quatre tutelles définissent la politique de l’équipement, les trois collectivités (Ville, Département et Région), et l’État, qui est la tutelle principale parce que ça a été défini comme ça au départ. À partir du moment ou l’État baisse sa subvention de manière unilatérale par rapport aux autres tutelles, les autres se retrouvent embarrassés, parce que c’est une situation qui n’a pas du tout été prévue. Au contraire, le principe des établissement public de coopération culturelle c’est que tout le monde se tient. Ils ont été conçus pour ça, pour éviter ce truc où, dans les associations, tu en as un qui se retire, et puis les autres se retrouvent emmerdés : là, chacun était lié par convention. Il va même falloir vérifier, comme le disait Jérôme Safar, si ce que fait l’État n’est pas attaquable au tribunal… Enfin on verra, il n’y a pas de jurisprudence là-dessus, donc on ne sait pas encore ce qu’il faut en sortir, mais en tout cas le fait de se retirer unilatéralement dans un équipement où les tutelles sont liées, ça pose un vrai souci. Le seul aspect positif là-dedans, c’est que jusqu'à aujourd’hui, la tutelle qui fixait les grandes directives de l’équipement, c’était l’État. Quand je parlais de musiques actuelles, on me riait au nez en me disant “ce n’est pas dans le cahier des charges de l’équipement, on n’a pas parlé de musiques actuelles, ce n’est pas fait pour ça“. Mais maintenant, qui est-ce qui les fixe ces lignes ? C’est ceux qui ne subventionnent plus ? Non, c’est aux collectivités locales, qui mettent de plus de plus de fric comparativement à l’État, de redéfinir le cahier des charges ! Reprenons l’exemple de la Maison de la Culture : à mon avis, il ne faut, non pas mettre plus, mais mettre mieux. Quand une personne s’assoit dans l’Auditorium pour écouter un lyrique, ça coûte à peu près 100 euros par tête de pipe à la collectivité. Au regard de la fréquentation, on se dit “on refile 100 euros aux cadres sup’ de l’agglomération grenobloise pour s’asseoir devant un lyrique“. Le lyrique c’est normal que ça existe, je ne veux pas le critiquer, mais on sait que deux opéras parisiens, par exemple, bouffent plus de 50% du budget du Ministère de la Culture attribué à la musique en France à eux deux. Ça pose quand même un souci aussi. Donc à un moment donné, il faut redéfinir. Dire simplement : il y a moins de moyens, et bien on met sur des activités culturelles qui ont un coût moindre de production et qui touchent un plus grand public. On fait moins de créations à la Maison de la Culture parce qu’on n’a pas le choix. On ne peut pas faire des créations qui passent un mois dans la Salle de Création, qui vont jouer deux soirs à Grenoble, et puis qui vont tourner dans toute l’Europe financés par la ville de Grenoble ! Avant, c’était logique, puisque c’est l’État qui finançait dans une logique nationale de création, c’était normal. Mais si l’État baisse sa part, on ne va pas maintenir le même niveau de création parce que ça ne bénéficie pas à la population locale. Il faut redéfinir le cahier des charges des grands équipements en fonction des modes de financement.Une politique culturelle d’agglomération à part entière est-elle envisageable ?Ce serait l’idéal. Mais ce qui est terrible, c’est que s’il y a bien un domaine que les maires ne veulent pas perdre, c’est le domaine culturel, parce que le culturel, c’est le rayonnement. C’est devenu quasiment une politique de communication pour les maires aujourd’hui. Mais il est évident que plusieurs des difficultés culturelles de l’agglomération viennent de l’absence de politique à cette échelle... Le fait que, jusqu’à présent, on n’ait pas eu de salle de musiques amplifiées à Grenoble, qu’il y ait un émiettage sur des petites salles de jauge équivalentes sur toute l’agglomération plutôt qu’une vraie complémentarité entre elles… Et ça, on ne peut pas le reprocher à l’agglo, elle n’est que l’émanation des communes. Mais regardez, entre l’Heure Bleue, La Rampe, la salle qui va se monter sur Fontaine, la Maison de la Musique de Meylan… Toutes ces salles ont quasiment des jauges équivalentes. Autre exemple, la salle de musiques actuelles qui va être construite sur Grenoble, elle avait été prévue à Fontaine, finalement la Ville de Fontaine a décidé de ne pas faire une salle pour l’agglo, mais pour elle, plus petite que prévue… Et bien on a perdu 10 ans juste parce que tout le monde se tire la bourre pour avoir sa salle pour sa commune, pour une population communale, et pas une salle d’agglo. Ensuite, voilà, par petits bouts, comme ça, on réussit parfois à transférer certaines compétences culturelles à l’agglo par des biais détournés, mais, elle est encore loin d’avoir la possibilité d’unifier la programmation des salles... C’est toujours le problème, à partir du moment ou l’agglo n’a pas la compétence, les maires ou les directeurs de salles peuvent faire ce qu’ils veulent. Heureusement, l’ouverture de la MC2 a amené les directeurs de salles à discuter un peu plus entre eux, parce que pour survivre, ils sont obligés de voir un peu ce qui s’y passe. C’est un aspect positif, la MC2 n’a pas tué la programmation culturelle dans l’agglo, tant mieux. Maintenant je pense qu’il y a quand même pas mal de redondances.Êtes-vous favorable à une plus grande ingérence du privé dans la sphère culturelle, par le biais du mécénat notamment ?J’ai envie de dire oui. Pour faire simple, je pense qu’on peut ; pour moi, mécénat, ce n’est pas un gros mot en matière culturelle, et privé non plus. Je considère que sur beaucoup d’opérations, ça fonctionne plutôt pas mal, des trucs que je connais moins bien mais que je suis un petit peu. Par exemple, si on prend le festival Berlioz, à la Côte St-André, il y a un mécénat avec la Société Générale, et jusqu'à maintenant, je n’ai jamais entendu dire que ça posait un souci, qu’il y ait ingérence du privé sur la programmation. Ils ont des places pour leurs cadres, ce qui est normal, ils mettent du fric. Donc oui, très bien, je pense que dans certains domaines ça marche : la musique classique, les arts plastiques, etc. Mais la grosse limite du mécénat, c’est qu’il n’est intéressé que par les formes culturelles très légitimes. C’est ça la vraie difficulté, pour qu’il ait un retour, il faut qu’il s’adresse plutôt à un public de cadres sup ‘. Parce que s’il subventionne un petit festival de rue, le retour n’est pas intéressant pour le mécénat, parce qu’il est trop dilué. Après ce n’est plus du mécénat, c’est du sponsoring. C’est du privé aussi, mais ce n’est plus la même chose, c’est Ricard Live Music, par exemple, c’est une opération commerciale. Normalement, le mécène, c’est quand même quelqu’un qui est intéressé à l’art, qui met de lui dans ce qu’il défend et ce qu’il finance, alors que le sponsoring, c’est autre chose, le sponsor cherche directement un retour sur investissement. Donc je pense que le mécénat, c’est intéressant, mais il ne faut pas croire, parce que je l’ai trop entendu, que c’est le remède à tout. Dans toutes les conventions avec les équipements, on dit “ah oui, mais il faut que vous cherchiez du mécénat“. Très bien, ça peut marcher au CNAC, ça peut marcher au festival Berlioz, mais ça ne marchera pas pour tout. À la MC2 aussi, ils ont aussi un club d’entreprise, mais il faut voir ce que ça représente par rapport aux subventions publiques, c’est peanuts ! C’est bien pour les entreprises parce qu’elles font un effort, mais en pourcentage de subventions, ça doit représenter quelque chose comme moins de 5% au total. Bref, le mécénat, pourquoi pas, mais il ne faut pas croire que c’est la solution pour sortir de la précarité le milieu culturel, car ce n’est pas vrai, parce que ça existe déjà depuis très longtemps. Donc si je résume, ce n’est pas un gros mot, mais ce n’est pas la solution.

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