L'interprète

André Markowicz est l’un des plus grands noms de la littérature contemporaine. Un constat d’autant plus déconcertant que notre homme n’écrit pas, mais s’adonne à la traduction depuis toujours, en parfait autodidacte. Dans sa prime enfance, il est élevé par sa grand-mère et sa grand-tante, qui lui transmettent l’amour de la langue du poète russe Alexandre Pouchkine, en une construction fondamentale de son inconscient littéraire. À l’âge de quatre ans, il déménage en France et s’adonne dès lors aux joies d’un bilinguisme précoce : son père lui parle en français, sa mère en russe.

Au sortir d’études de Lettres Françaises à la Sorbonne, dont il ne gardera qu’un souvenir très amer en termes d’apprentissage personnel, il se tourne naturellement vers ce qu’il sait faire de mieux - s’exprimer dans ses langues naturelles. Quand il se tourne vers la traduction, c’est à sa manière, peu satisfait qu’il est des travaux effectués sur le patrimoine littéraire russe par les éditeurs français : il se jette dans le travail sans relire l’intégralité de l’œuvre en amont (une hérésie pour ses collègues), procède par jets instinctifs, se laisse autant porter par la musicalité du texte que par ses particularismes, dont il prend soin de trouver la meilleure transcription possible pour ne pas en gâter le sens. Le tout en s’accordant de nombreuses libertés : ses traductions de Tchekov pour le théâtre (réalisées avec sa complice Françoise Morvan) se voient même reprochées leur caractère trop trivial – mais leur acuité secoue, et cette approche lui vaudra une reconnaissance inédite pour un traducteur, celle de se voir propulsé auteur dans un travail théâtral…

Il se fait vraiment connaître aux débuts des années 90 par un coup magistral, un travail au long cours qui le propulse sur le devant de la scène littéraire : soutenu par l’éditeur Actes Sud, il retraduit l’intégrale de l’œuvre de Fédor Dostoïevski. Les réticences s’estompent, l’excellence de son travail est largement reconnue. En 2000, il s’attaque à Shakespeare en livrant de nouvelles traductions d’Hamlet et de Macbeth, toutes deux prodigieuses – on a pu notamment savourer sur la scène de l’Hexagone quelques saisons en arrière Hamlet / thèmes et variations de la compagnie l’Unijambiste, où la version de Markowicz était occasionnellement scandée par le flow hip hop d’Arm de Psykick Lyrikah, pour un résultat farouchement détonant.

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