Nos petites bulles - Août 2010

Chaque mois, la sélection BD du Petit Bulletin. Septembre 2010 : où il est question de catch féminin, d'un romancier trop secret pour être honnête, de télé-réalité sans caméras, de neige en été et de sérieux mots de tête. Voici les cinq (+ une) BD qui ont retenu notre attention le mois dernier. Benjamin Mialot

 NEIGE FONDATION – TOME 1 – LE SANG DES INNOCENTS
Glénat)
Scénario : Didier Convard et Eric Adam / Dessin : Didier Poli et Jean-Baptiste Eustache

Si toutes les bonnes choses ont une fin, elles ont aussi un début. Tel est le message que pourrait faire passer le premier tome de Neige Fondation, préquelle de Neige, visionnaire récit post-apocalyptique qui fit dans les années 80 le bonheur des amateurs de science-fiction. Il n'est toutefois pas nécessaire de connaître sur le bout des doigts les treize tomes de la saga pour se laisser emporter par le début de ce cycle, qui voit une famille de chasseurs braver un monde ravagé par les dérèglements climatiques à la recherche d'un endroit sûr où les femmes du groupe pourront donner la vie. Sombre, rythmé et d'une grande efficacité visuelle, Le Sang des innocents a beau ne pas avoir la fraîcheur du matériau d'origine et sembler un peu trop soumis aux codes du genre (système clanique à plusieurs vitesses, rigueur climatique...), il n'en demeure pas moins une chouette actualisation.

 PRINCESSE SUPLEX
(Manolosanctis)
Scénario et dessin : Léonie

Pour une fois qu'une bande-dessinée s'ancrant dans l'univers du catch ne donne pas l'impression de s'adresser à des mongolos incapables de différencier réalité et suspension d'incrédulité (d'accord, il y a aussi Lucha Libre chez les Humanos), on ne va pas se gêner pour la mettre en avant. Et ce, même si son format atypique en frustrera plus d'un, nous les premiers. Dix-neuf malheureuses pages, c'est en effet bien court quand on connaît le potentiel narratif de cet hybride de sport et de théâtre antique, machine fictionnelle parfaitement huilée qui ne cesse pourtant jamais de se gripper, à cause d'une pilule de stéroïdes, d'une lutte de pouvoir guère éloignée de celles gangrenant les organisations mafieuses, d'un retour sur investissement mal calculé. D'autant que Léonie semble maîtriser son sujet. Reste un dessin d'une belle souplesse (oh oh) et un choix courageux et payant, celui de traiter du versant amateur et féminin de la discipline pour en tirer un touchant portrait de femme.

 OMNI-VISIBILIS
(Dupuis)
Scénario : Lewis Trondheim / Dessin : Matthieu Bonhomme

Hervé est ce que l'on peut appeler un loser ordinaire. Sa vie n'a rien de palpitant, sa technique de drague n'est pas au point et, par-dessus le marché, il est à la limite du trouble obsessionnel compulsif dans son rapport à l'hygiène. Mais tout cela va devenir le cadet de ses soucis le jour où il va apprendre que n'importe quel humain fermant les yeux et se bouchant les oreilles voit avec les siens et entend avec les siennes. Encore plus flippant que celui du Truman Show, le postulat de Lewis Trondheim est pour beaucoup dans la réussite de sa collaboration avec Matthieu Bonhomme, dessinateur remarqué de Messire Guillaume qui opte ici pour un saisissant noir, blanc et bleu glaciaire. Bien que ne bénéficiant pas du même souffle dramatique que le film de Peter Weir, Omni-Visibilis parvient avec une même aisance à décrocher rires jaunes (la petite amie d'Hervé profite de la malédiction pour se vendre) et sueurs froides (les scènes d'hystérie collective), tout en disant long sur la futilité de l'époque. Belle surprise.

 PAGE NOIRE
(Futuropolis)
Scénario : Frank Giroud et Denis Lapière / Dessin :Ralph Meyer

Avez-vous déjà essayé de faire se rejoindre deux parallèles ? Ce n'est pas ce qu'il y a du plus simple, et c'est sans doute pourquoi nombre d'histoires reposant sur ce procédé (au hasard, les films de Alejandro González Iñárritu) marquent plus par leur superficialité et leur fourberie que par leurs enjeux. Il arrive toutefois que l'une d'elles évite ces écueils, et c'est précisément le cas de Page noire, thriller manipulatoire à quatre mains qui voit d'un côté une journaliste littéraire se mettre en chasse d'un insaisissable auteur de best-sellers et de l'autre une jeune palestinienne rescapée d'un massacre recoller les morceaux de son histoire personnelle. Difficile d'en dire plus sans en dire trop. Aussi se contentera-t-on de saluer la rigueur de la mise en abyme troussée par Giroud (Le Décalogue) et Lapière, ainsi que celle de la mise en images de Ralph Meyer, celui-ci ayant choisi d'illustrer chaque trame différemment, l'une dans un réalisme bleuté à l'américaine, l'autre par des tons rouge et un rendu plus relâché.

 PHOENIX – TOME 1 - ABSENCES
(Soleil)
Scénario : Jean-Charles Gaudin / Dessin : Frédéric Peynet

On termine avec un autre thriller, d'obédience fantastique cette fois, avec le premier tome de Phoenix. Sous la houlette de Jean-Charles Gaudin (qui s'est fait un nom avec Marlysa, série de cape et d'épée grand public) et de Frédéric Peynet (magistral dessinateur du Feul), on y suit le dénommé Jonhatan Cadwell, interprète en proie à des visions de plus en plus réalistes et inquiétantes. Pour les démêler, il va lui falloir fouiller dans son passé. Qu'en dire ? Pas grand-chose pour l'instant, si ce n'est qu'Absences est l'exemple même d'une introduction réussie. Intrigant sans être hermétique, documenté sans être assommant, soigneusement illustré (mazette, ces vues de New-York et Paris) tout en ménageant ses effets, ce premier tome rappellera avec ses flash lumineux et hommes de l'ombre des souvenirs aux aficionados de séries comme X-Files ou Les 4400. En définitive, une série casse-gueule mais diablement prometteuse.

 La réédition du mois :
JERRY SPRING – INTÉGRALE 1
(Dupuis)
Scénario et dessins : Jijé

En bonus, un mot pour signaler la réédition en une belle intégrale par Dupuis des premiers volumes de Jerry Spring, western réaliste en noir et blanc pondu dans les années 50 par l'immense Jijé (le non moins immense Franquin était l'un de ses élèves). Les planches sont à tomber par terre, les situations agréablement variées, (révolution au Mexique, expropriation de petits propriétaires terriens, convoitise de nappes de pétrole...) il y a de l'action, de l'aventure, du suspens, de l'humour, bref tout ce qu'il faut pour obtenir un classique instantané de la BD franco-belge. En plus, l'auteur se paye de luxe de ne jamais offrir un regard caricatural sur la culture amérindienne. Impossible d'y résister, à moins d'être totalement hermétique aux tics de l'époque (héros quasi-infaillible, dénouements limite magiques...) ou de s'être ruiné sur les intégrales de Spirou et Fantasio, Gil Jourdan, Lucky Luke, Natacha, Yoko Tsuno...

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