Sylvain Prudhomme dans la cour des "Grands"

C'est un peu, même si ça n'a rien à voir, son « aujourd'hui, maman est morte », incipit du roman L’Étranger d'Albert Camus : « I Muri », elle est morte. Elle, c'est Dulce. La magnifique Dulce qui, en son temps, celui de la gloire, fit tourner la tête de Couto et de beaucoup d'autres. Quand ce dernier apprend la nouvelle, elle jaillit comme un signe de plus que son passé est définitivement derrière lui tout en le faisant ressurgir.

Ce passé, c'est le Super Mama Djombo, groupe de rock guinéen des années 70. Les concerts triomphaux partout en Afrique de l'Ouest, en Europe, à Cuba, mais aussi les soubresauts politiques de la Guinée-Bissau (la guerre d'indépendance, Amilcar Cabral, les luttes de pouvoir).

Tout cela, Couto le revit au cours d'une de ces déambulations qui ravivent la mémoire car ce qui tient le tout, c'est Dulce qui jadis quitta Couto pour l'un de ses anciens camarades de révolution, aujourd'hui homme de pouvoir.

Ici, la fiction se mêle de réalité : si le Super Mama Djombo a bel et bien existé, Couto, lui, est une pure invention fictionnelle et Dulce un arrangement, comme on dirait arrangement musical, avec la vérité. Car ce qu'a souhaité Sylvain Prudhomme, grand amoureux d'une Afrique dont son œuvre est pleine, avec son magnifique roman sur un groupe mythique mais méconnu, c'est ressusciter son esprit.

À la fois œuvre politique, récit jouissif sur le pouvoir de la musique – y compris la musique de la langue à travers le créole guinéen – et pouvoir symboliquement libérateur, Les Grands (L'arbalète/Gallimard) est aussi une réflexion mélancolique sur le succès, l'amour, les illusions et la jeunesse perdus. Le jour de la mort de Dulce, également jour de coup d'état imminent, le Super Mama Djombo prévoit un concert et de concerts, le livre de Sylvain Prudhomme va d'ailleurs en appeler quelques-uns.

Ce sera le cas ici à Grenoble où l'auteur viendra entouré de Malam Mané, l'une des voix du groupe et Djon Motta, guitariste soliste, pour une lecture musicale telle qu'il en avait déjà donné une par exemple à la Maison de la Poésie à Paris, histoire de montrer qu'au-delà des pages des Grands, le Super Mama Djombo est bien vivant.

Lecture concert des Grands de Sylvain Prudhomme, samedi 28 mars à 19h30, à l'auditorium du Musée de Grenoble, dans le cadre du Printemps du livre