Mathias Énard : « Être loin du fanatisme d'aujourd'hui »

Mathias Énard

Librairie Le Square

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Tout juste sacré Prix Goncourt pour "Boussole", le romancier Mathias Énard sera à Grenoble ce jeudi, à l’invitation de la librairie Le Square et du festival Mode d’emploi. On en a profité pour l’interroger en amont et pour disséquer son roman de 400 pages, véritable déclaration d’amour au Moyen-Orient. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Quelle drôle d’idée que de vouloir interviewer le Prix Goncourt tout juste deux semaines après son attribution. Forcément, son récipiendaire est on ne peut plus sollicité. Après avoir bataillé ferme, on est finalement arrivés à avoir Mathias Énard au téléphone un dimanche matin dans le but d’annoncer sa venue à Grenoble – il viendra justement présenter son fameux Boussole qui lui a permis de décrocher le Saint Graal.

Première question pas très originale, que l’on se doit cependant de poser : c’est agréable de recevoir le Prix Goncourt ? « C'est le prix le plus célèbre et le plus important de la littérature française donc, forcément, ça ne laisse pas indifférent. C'est une grande surprise, un moment très surprenant… Comme une tempête de joie qui s'abat sur nous ! Avec, du coup, un tourbillon de médias, de lecteurs… Car ça donne un immense coup de projecteur sur le livre. »

Une récompense qui intervient après d’autres déjà prestigieuses – le Goncourt des lycéens en 2010 pour Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, le prix Liste Goncourt/Le Choix de l’Orient en 2012 pour Rue des voleurs… Et qui arrive assez tôt dans la carrière de l’auteur de 43 ans : ce n’est pas un peu effrayant pour la suite ? « Pas du tout, au contraire ! Ça donne encore plus de liberté. »

« Un roman où il faut prendre le temps »

De la liberté pour écrire d’autres romans comme celui-ci : une œuvre-monstre qui s’intéresse à l’Orient, à son éclat, à sa puissance d’évocation… « J'ai voulu donner à voir la richesse du Moyen-Orient que l’on ne voit plus aujourd'hui malheureusement, à cause de l'actualité, les flammes et la violence. Une vision légitime mais, en même temps, on ne peut pas non plus oublier que derrière tout ça, il y a une très grande diversité bien loin du fanatisme d'aujourd'hui. »

Un thème qui lui est cher depuis le début de sa carrière lui qui, dans sa jeunesse, a fait de longs séjours au Moyen-Orient pour, notamment, étudier le persan et l’arabe. D’où une approche certes romancée mais toutefois précise. « Il y a un très grand travail de préparation qui a duré plusieurs années pendant lesquelles j’ai choisi les personnages, les épisodes, les différents récits qui ont construit le texte et les éléments d'architecture qui le structurent. Tout ça avant de me mettre à écrire. »

Le narrateur de Boussole est Franz Ritter, « musicologue épris d’Orient » qui n’arrive pas à trouver le sommeil. « Il dérive entre songes et souvenirs, mélancolie et fièvre, revisitant sa vie, ses emballements, ses rencontres et ses nombreux séjours loin de l’Autriche – Istanbul, Alep, Damas, Palmyre, Téhéran… –, mais aussi questionnant son amour impossible avec l’idéale et insaisissable Sarah, spécialiste de l’attraction fatale de ce Grand Est sur les aventuriers, les savants, les artistes, les voyageurs occidentaux » (extrait de la quatrième de couverture). On croise donc de nombreuses figures historiques dans Boussole. « Tout est vrai, tous les personnages existent, sauf forcément ceux qui sont contemporains des protagonistes d'aujourd'hui. »

Le roman en devient très riche ; très dense aussi, demandant une attention soutenue au lecteur pour ne pas se perdre… « Je n'ai pas l'impression que mon roman soit plus difficile qu'un autre ! Après, c'est un type de lecture différent. C'est un roman où il faut prendre le temps ; un roman duquel on peut sortir pour aller écouter un morceau de musique sur Youtube ou regarder la vie d'un personnage sur Internet. »

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