Derf Backderf, l'Américain qui explore les marges

Derf Backderf en dédicace

Librairie Momie Folie

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Interview / Derf Backderf est l’un des plus pertinents auteurs contemporains. En trois romans graphiques, il s’est imposé comme un digne héritier de l’underground seventies, plongeant dans les marges de la société américaine. Punks ("Punk Rock & Mobile Homes"), serial killer ("Mon ami Dahmer") ou éboueurs ("Trashed") : ses héros sont loin de l’american dream et en dévoilent les envers et travers. Conversation par mail avant sa venue à Grenoble.

Vous avez travaillé pendant 35 ans avant votre reconnaissance internationale avec l’album Mon ami Dahmer : pourriez-vous nous raconter ces années-là ?

Derf Backderf : J’ai commencé ma carrière en dessinant des caricatures politiques pour des journaux. Ça m’ennuyait terriblement, travailler pour ces mecs en costume qui n’avaient aucune idée de ce qu’était un bon dessin. J’ai arrêté et créé un comic strip nommé The City pour des hebdomadaires aux États-Unis. C’était des magazines underground très populaires dans les années 1990. Matt Groening [le créateur des Simpson – NDLR] a débuté ainsi. J’ai pris beaucoup de plaisir à faire ça, c’était réussi. Mais internet a tué ces hebdomadaires et j’ai dû trouver autre chose. J’ai commencé alors à faire des livres et j’ai eu plus de succès au cours des cinq dernières années que durant tout le reste de ma carrière. Je suppose que j’aurais dû faire des livres depuis le début !

Qu’est-ce qui a provoqué votre passage du strip court et humoristique vers le roman graphique autobiographique : est-ce l’arrestation du tueur en série américain Dahmer, que vous aviez connu plus jeune ?

J’ai su que je voulais écrire sur ce sujet dès son arrestation en 1991. Ça a pris un certain temps pour comprendre comment le faire. J’ai fait quelques versions plus courtes, publiées entre 1997 et 2002. Mais l’idée a toujours été d'en faire un livre. En 2010, après avoir publié Punk Rock & Mobile Homes, je me suis senti suffisamment en confiance pour me lancer dans Mon ami Dahmer.

Soit l'histoire d'un tueur en série ; histoire qui ne sombre pas dans le sordide, qui garde une certaine distance : comment avez-vous réussi cet équilibre ?

Cela a toujours été le plan. Il y avait beaucoup d’écrits au sujet de ses crimes. Mais l’histoire de ses premiers jours n’avait jamais vraiment été racontée. C’est cette histoire qui m’intéressait. La plongée dans la folie. Je ne connaissais pas Dahmer le monstre. Je connaissais Dahmer, l’étrange, l’enfant en difficulté.

Car l'univers de Dahmer est aussi le vôtre : il n'a pas été trop difficile de raconter vos années de lycée sous cet angle ?

Parfois, ça l’était. Il s’était passé trente ans depuis le lycée quand j'ai écrit la version finale de Mon ami Dahmer, de sorte que toutes les blessures émotionnelles de l’adolescence étaient guéries depuis longtemps. Les deux premières années après qu’il ait été arrêté, quand toute la vérité est sortie, j’ai réalisé ce qu'il se passait dans son esprit quand nous étions amis, c’était difficile. Un grand nombre de nuits blanches…

Marc Meyers doit toujours en faire un film ?

Oui. Ça semble avancer. Je suis en train de parler avec autre producteur aussi, pour Trashed.

Pouvez-vous nous parler de Punk Rock & Mobile Homes, au ton plus léger et optimiste ?

Mon premier livre. Il a été publié en France après Mon ami Dahmer, mais il l’a été en 2010 aux États-Unis. Il a eu de bonnes critiques et j’en étais vraiment heureux. Malheureusement, mon éditeur américain a fait faillite juste après la publication, donc je n’en ai vendu quasiment aucun au début. Punk Rock & Mobile Homes a lancé ma carrière, il est vraiment spécial pour moi et à bien des égards c’est mon préféré. Je me remettais d’un cancer quand je l’ai fait, c'est une grande part de ma guérison. Ce fut une joie de le faire, j’aime les personnages et l’histoire.

Un mot sur Robert Crumb, l’une de vos influences sous-jacentes ?

J'adore son travail, et celui de tous les dessinateurs underground américains. Je ne peux pas dessiner aussi bien que lui. Quand j’étais adolescent dans les années 1970, que j’apprenais à dessiner et à écrire, ils représentaient les seules alternatives à Marvel, DC et Mad. J’étais plus un grand fan de Spain Rodriguez que de Crumb, mais Spain est beaucoup moins connu ici. Tous les auteurs américains de ma génération, comme Dan Clowes et Peter Bagge, ont les mêmes influences. Spain Rodriguez et Will Eisner sont probablement mes deux plus grands professeurs.

Derf Backderf en dédicace
À la librairie Momie Folie jeudi 8 septembre à partir de 14h30

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