Compte rendu de la lecture du Dimanche 18 mai au Théâtre 145 : Suzy Storck de Magali Mougel.

Suzy Storck c'est l'histoire d'une voix de femme qui aimerait porter au dessus de son quotidien. Comme vouloir mettre des mots sur sur ce qu'elle croit être un début d'émancipation. Lucide et vaine sa réflexion se tisse comme un cri d'agonie. Autour de la table du Théâtre 145 des regards la scrutent, cherchent à la comprendre, et parfois la jugent. Qu'elle est cette femme qui renie sa vie jusqu'à ses enfants ?

On assiste, comme à un procès, à l'éveil progressif de ce personnage torturé. Un chœur permet de prolonger la cacophonie de sa conscience et sa famille vient témoigner de son hérésie. Elle n'a jamais voulu d'enfants et pourtant la voilà qui en enfante trois. Elle n'a jamais eu de grandes ambitions, si ce n'est vivre, et pourtant un espoir de liberté vient l'habiter sournoisement. Elle n'a jamais rêvé au prince charmant et pourtant Hans Vassily Kreuz lui propose de l'embrasser un soir en sortant de l'usine.

La principale péripétie de ce drame presque statique est un refus. Refuser d'être mère et refuser d'aimer ses enfants. Pour la première fois la voilà qui s'oppose véritablement à quelque-chose et quelque-part s'affirme. Cet acte contre-nature semble la façon la plus radicale de revendiquer son existence, même si cela s'avère vain.

"Son coeur est une horloge"

« Ça ce passe exactement ici » annonce les didascalies. Soit. Nous devenons alors une assemblée silencieuse et une sorte de prolongement du chœur. Nous seuls semblons capables de comprendre Suzy, où du-moins l'entendre. Car en effet ni la mère, figure matriarcale caricaturale des milieux populaires, ni son mari, travailleur obstiné et fatigué, ne peuvent aider cette femme dans le constat amer et douloureux de sa seule condition. « Son cœur est une horloge ». Il tourne inlassablement dans le grand vide du temps qui passe, il est froid et métallique, parfois en retard parfois en avance, et s'emballe en faisant vibrer son corps régulièrement d'un long spasme sonore. Il se referme ensuite et laisse couler les jours.

Tandis que Magali Mougel restera une bonne partie de la lecture le regard fixe à entendre son texte plus que de le voir, le public sera pendu aux mots des protagonistes. Comme l'on écoute un fait divers (dont l'histoire est réellement issue) avec curiosité, avec cynisme et parfois avec une étrange fascination, cet acte impardonnable devient l'unique enjeu dramatique.

Une vérité parmi d'autres

Dans la salle un bébé pleure à plusieurs reprises et tout de suite les regards complices se tournent vers sa figure innocente. Une vieille dame tape du coude son mari et amusée semble se reconnaître dans ce quotidien laborieux du personnage de femme au foyer qui se tient devant elle. La pièce, à première vue très noire et pessimiste, puisque ne fournissant aucune échappatoire possible à Suzy, fera pourtant rire.

C'est en partie dû au style simple et direct de la pièce. Suffisamment anecdotique, tenue par une réflexion lucide et poétique, l'intrigue fonctionne. C'est encore l'histoire d'une vérité parmi d'autres. Un seul regret peut-être, formulé sous forme de question : pourquoi le théâtre a t'il besoin parfois de révéler les fatals remous de l'âme humaine plutôt que ses étincelles d'espoir ?

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