"Le Fils de Saul" de László Nemes

Une immersion suffocante dans l'horreur des camps de concentration

Grand Prix du Jury à Cannes et adoubé par les plus hautes autorités morales sur la façon dont il traite les camps de concentration, et en particulier les SonderKommando, sujet peu voire jamais abordé au cinéma, le film bénéficie d’une couverture dithyrambique. A deux exceptions près : Libération, qui d’ailleurs reproche plus le manque de débat autour du film que sa qualité elle-même et Telerama lors de la présentation à Cannes en mai.

La quasi unanimité, le sujet, l’extrait passé en boucle, la qualification « Film d’horreur » sur AlloCiné récemment corrigée en « Drame », incitent à s’y rendre avec une certaine retenue voire appréhension : est-ce si étouffant ? que va-t-on voir de dérangeant ? les images vont-elles nous poursuivre ? est-ce le film ultime sur l’horreur d’Auschwitz ?

Dès les premiers instants on est effectivement happé, à la fois par le format, ce carré oppressant qui enferme acteurs et spectateurs, par la couleur, verdâtre comme si les uniformes nazis déteignaient sur les lieux, par le fond sonore, cris, machineries, ordres hurlés, et par la présence quasi permanente en gros plan du héros qui nous entraîne dans son travail quotidien et bientôt dans sa quête pour enterrer dignement celui qu’il désigne comme son fils.

On se cale dans son siège lorsque certaines portes s’entrouvent et que les SonderKommando évacuent des corps en les tirant sur le sol, ou lorsque les nazis poussent hommes, femmes et enfants vers des tranchées. Pourtant rien n’est montré, mais le spectateur ajoute de lui-même l’image qui complète la scène. Les camps étaient une horreur déshumanisée où chaque protagoniste suivait son propre chemin : un objectif quasi industriel pour les troupes d’Hitler, qui était aussi évoqué dans le film Amen de Costa-Gavras, les SonderKommando qui acceptent, répudiant toute conscience et culpabilité et surpris d’être en vie, d’emmener les leurs au bûcher, enfin les prisonniers qui n’ont aucun espoir d’échapper à l’extermination.

Au milieu de cet enfer, Saul se débat pour trouver le rabbin qui pourra procéder aux dernières prières. Le film évolue alors vers un suspense plus classique – si on peut oser utiliser ce terme dans ce contexte – et perd son caractère irrespirable lié à l’immersion visuelle et sonore dans le camp de concentration.

Le Fils de Saul est un film fort, prenant par son format et son esthétique, mais ni dérangeant ni susceptible de créer la polémique, sans doute parce qu’on le vit du point de vue de ce hongrois projeté dans cet abîme et dont la préoccupation obsessionnelle est d’offrir un minimum de dignité à un enfant mort.

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