Spotlight de Tom McCarthy

Un film indispensable pour soulever la chape de plomb !

Après toutes les affaires révélées depuis des années, ce film traitant de prêtres pédophiles aurait pu malheureusement être tourné dans bien d’autres pays et bien d’autres villes. Sa force particulière tient à plusieurs facteurs. Tout d’abord la place et le rôle de la religion aux Etats-Unis : elle est un des fondements de la société américaine, comme en témoigne le serment prêté sur la Bible par tout nouveau président américain. Sans parler de ces hommes politiques, on l’a encore vu hier aux primaires de l’Iowa, qui truffent leur discours de références et de remerciements à Dieu. Dans une ville comme Boston le clergé y ajoute une influence financière considérable, infiltré dans tous les milieux économiques, réunissant lors de ses soirées de bienfaisance, les familles les plus huppées de la ville. Et bien sûr l’église tient l’école, de l’éducation intellectuelle et spirituelle à l’encadrement des activités sportives. La tâche est donc particulièrement ardue pour quiconque souhaite faire la lumière sur les pratiques criminelles des prêtres : il a contre lui l’ensemble des institutions, solidaires pour éviter toute vague dans la bonne société, et se heurte même aux grands cabinets d’avocats qui font fortune en négociant des arrangements confidentiels entre les victimes et les autorités religieuses.

Ensuite, il y a la volonté d’un nouveau patron du Boston Globe. Présenté comme un « cost-killer » et un éventuel coupeur de têtes lorsqu’il arrive à la tête du quotidien, ne semblant pas avoir de souci journalistique particulier, il va donner l’impulsion, sans que l’on sache vraiment s’il n’y voit qu’une manière de reconquérir des lecteurs ou s’il est quand même animé par un minimum de souci moral. Arrivant d’autres horizons, il n’aura aucune hésitation à affronter la hiérarchie religieuse locale, en particulier le cardinal Law tout puissant. Et au fur et à mesure que les investigations progressent et dévoilent le caractère généralisé des pratiques, il poussera ses journalistes à avancer sans crainte du système.

Enfin, bien sûr les héros du films sont les journalistes ; ils vont tirer sur un fil, laissant tomber les enquêtes en cours, et par leur pugnacité, vont dérouler toute la pelote. Travail quotidien de petites mains frappant aux portes, passant des journées entières à vérifier des annuaires, harcelant les rares contacts qui semblent détenir quelques révélations potentielles. Le spectateur les suit pas à pas, s’enthousiasmant lorsqu’ils font une découverte, rageant lorsqu’ils sont bloqués par un mélange de mauvaise foi et de procédures tatillonnes. L’équipe d’investigation est encadrée par Michaël Keaton, enfant de la ville, élève dans un des collèges au cœur du scandale et vieux routier du journalisme à Boston, qui fait jouer tout son réseau, mais qui petit à petit prend conscience de l’omerta dans laquelle vivent certaines de ses proches relations, et qui se rend compte que son propre journal n’a pas toujours été aussi consciencieux qu’il aurait dû.

Rien ne serait évidemment possible sans les victimes. Elles vivent avec leur douloureux secret, et balancent entre dénégation, ne voulant plus revivre la souffrance et la honte, et soulagement douloureux lorsqu’elles trouvent la force de revenir sur ces moments cauchemardesques pour aider les enquêteurs.

Le film, traité comme un thriller, fait particulièrement bien sentir la chape de plomb qui a empêché pendant des décennies la moindre révélation, et qui contribuait à décrédibiliser toute personne voulant la soulever. Ce n’est qu’en réunissant, même tardivement, toutes ces volontés que les pièces du puzzle prennent place et font éclater la vérité.

Au-delà du film, on reste déconcerté par l’ampleur du phénomène et par la nature des condamnations, la plupart des prêtes étant simplement mis de côté dans des instituions religieuses. Le cardinal Law qui, bien qu’il s’en défende, avait couvert tous ces agissements a démissionné en 2002 sous la pression publique et a été nommé 18 mois plus tard archiprêtre de la basilique Sainte-Marie-Majeure à Rome par Jean-Paul II.

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