Diamant Noir de Arthur Harari

Jusqu’où ira la vengeance ?

Diamant Noir a été souvent présenté par la presse comme une réussite car empruntant à la mythologie des films noirs comme, soit-disant, seuls les américains savent les faire. Cela se voulant un compliment ; un film nous faisant oublier sa carte d’identité française, trop souvent synonyme de nombrilisme, oubliant les grands thèmes d’actualité ou les tragédies universelles.

Oubliez les américains, car rien dans le jeu des acteurs, dans le scenario ni dans l’atmosphère, n’y fait penser. Et cela vous évitera de perdre cinq à dix minutes à vous demander si cette analogie est justifiée, avant de vous laisser immerger dans l’histoire. Mais gardez le noir. Suintant, collant, fébrile, avec un acteur dont les tortures intérieures se lisent de manière transparente et permanente dans ses yeux, dans ses joues émaciées, dans sa gestuelle toujours hésitante, souvent maladroite. Dans son regard, jamais droit face à son interlocuteur, souvent en-dessous, comme pour masquer ses turpitudes, de peur qu’elles ne se devinent dans sa pupille et son iris, souvent pris en très gros plan et envahissant l’écran.

Pier Ulmann bricole sur des petits chantiers et arrondit ses fins de mois avec des petits cambriolages pour le compte d’un receleur avec qui il semble avoir une relation filiale. Un flic, dont il se demande s’il ne vient pas l’interroger sur son dernier vol qui a failli mal tourner – la bande fait un peu pieds nickelés par moment, lui apprend que l’on vient de retrouver son père mort dans un foyer parisien, alors qu’il ne l’avait plus vu depuis ses quinze ans, pensant qu’il avait fui à l’étranger et qu’il y était sans doute décédé sans laisser de trace.

Evidemment le passé remonte immédiatement à la surface, faisant le lien avec la scène d’ouverture. Son père, jeune et brillant tailleur de diamant à Anvers, lui même fils de la figure tutélaire de la famille qui a écrit le livre de référence sur le sujet, perd ses doigts, tranchés par l’outil qui façonne les pierres, sous la pression de son frère et de la fatigue. Moignon, rejet de la famille, déshéritage, disparition. La rancune est lourde. Les obsèques, auxquelles assiste l’oncle détesté, et qui bien sûr a repris l’affaire familiale et l’a fait prospéré, tournent cours, alors que Pier voulait cracher sa haine.

L’engrenage fatal se met en place

Retour au train train quotidien ? Non, le cousin, nouveau et ambitieux patron prenant le relais à la tête de l’entreprise, lui propose de venir travailler à la rénovation de ses bureaux à Anvers. Toutes les briques de la tragédie et de ses rebondissements viennent d’être posées : la soif de vengeance, le savoir-faire du père abandonné, l’œil de son fils, l’équipe de voleurs à la petite semaine, le cousin qui souhaite voler de ses propres ailes et qui sans s’en rendre compte injecte dans le circuit familial, un poison fatal.

Pier se laisse envahir par le désir de découvrir le métier de son père. Ou le feint-il par calcul ? Un des derniers artisans de l’ancienne génération, infiniment respecté de l’oncle honni, détecte chez lui une aptitude innée, qui le fascine, et décide de le former, lui ouvrant les portes d’un atelier hautement sécurisé …

Il avait déjà gagné la confiance du cousin, qui trouvait chez lui un renfort face à un père qui en fait n’avait jamais lâché les affaires et l’étouffait. Pier sympathise aussi avec la femme de son cousin dans une relation ambiguë. Il obtient le respect, forcé, de son oncle, à cause de ce don dont il a hérité et qui lui permet de sentir le trajet de la lumière dans les pierres. Cette séduction qui opère sur chacun des membres de la famille a un petit goût du Théorème de Pasolini, où le héros, un inconnu, ce que Pier est finalement, charme la bonne, le fils, le maître de maison, son épouse et sa fille, puis les abandonne, les laissant face à leur vérité et au chaos.

Les fils de l’intrigue s’entrecroisent et tissent l’issue inéluctable : cambriolage historique, vengeance assouvie, destruction d’un clan. Et soudain, le premier grain de sable, inattendu, ruine les plans de Pier mais soude d’autant ses liens avec la famille. Rendant son projet encore plus cruel. A peine remis sur les rails, le deuxième grain de sable aspire tous les protagonistes, comme dans un immense tourbillon, vers leur destin tragique.

Il restera au milieu de ce champ de ruines, un geste qui évite le pire à Pier, et qui n’est pas le moindre des rebondissements qui secouent le spectateur dans la seconde moitié du film.

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