SNOWDEN de Oliver Stone

Du patriotisme à l’héroïsme … ordinaire

Le défi pour Oliver Stone était immense face au documentaire de Laura Poitras sorti en 2014, Citizen Four, qui nous faisait vivre réellement les révélations et la fuite d’Edward Snowden dans un huis-clos étouffant et une tension palpable à chaque instant. La situation et son importance historique suffisaient à faire de ce documentaire un véritable thriller où l’on était à la fois bluffé du courage du lanceur d’alerte et où l’on s’inquiétait face à cette vie qui basculait dans l’inconnu. La réalité dépassant d’emblée toute fiction, et le dénouement étant maintenant connu de la planète entière, Oliver Stone a préféré nous raconter les années qui ont précédé la décision d’Edward Snowden et surtout le cheminement personnel qui y a conduit.

Clairement le film ne vaut que par l’observation du parcours de ce jeune patriote engagé dans les forces spéciales, mais qui suite à une fracture qui l’empêche de terminer sa formation, décidera de mettre ses compétences informatiques au service de la CIA.

Edward Snowden n’est donc pas un hacker anarchiste ayant juré dès son plus jeune âge de révéler les malversations des forces obscures opérant dans les bas-fonds de la plus grande démocratie du monde. C’est un étudiant brillant, à la limite du génie tant il explose les scores lors des premiers tests que l’agence fait passer à ses nouvelles recrues. Brillant et fier de servir son pays. Il goûte d’ailleurs très peu les tendances protestataires de sa petite amie. L’ingénieur type, légèrement psycho-rigide, ayant une foi inébranlable dans la technologie et désireux de concourir « au rayonnement de son pays dans un monde difficile ». Avec peut-être, et c’est sans doute ce qui petit à petit le guidera vers sa folle initiative, un sens éthique légèrement supérieur à la moyenne. Sa conscience sera d’ailleurs rapidement mise à l’épreuve lors de sa première mission où il se retrouvera au cœur d’une machination visant à disposer d’un moyen de pression sur un homme d’affaires moyen-oriental. Démission.

Ses compétences lui garantissant de ne pas rester sans emploi, on suit son ascension dans des postes qui vont le mener jusqu’au site le mieux gardé et le plus secret de la NSA d’où sont pilotées les écoutes massives et tentaculaires qu’il a révélées. Au fur et à mesure il découvrira l’ampleur de la surveillance et son absence de contrôle, surpris lui-même des capacités techniques mises en oeuvre ; il se rendra compte qu’un programme qu’il avait conçu a été détourné de sa fonction première, sans qu’il soit tenu au courant, pour améliorer les performances du système ; il réalisera que son mentor à la CIA est prêt à passer la vie privée de ses concitoyens par pertes et profits au nom de la sacro-sainte sécurité des Etats-Unis.

Cette accumulation de révélations va donc le pousser à copier sur une carte micro-SD les informations qui décrivent en détails les systèmes mis en place dans ces opérations titanesques de récupération de données de toutes natures : conversations téléphoniques, emails, sites Internet, serveurs des acteurs majeurs de l’informatique et des télécommunications, …

Il la sortira de ce bunker dans une scène dont tout le monde se demande si elle reflète la réalité. Oliver Stone est d’ailleurs très clair sur le sujet : « Tout d’abord, je voudrais vous dire qu’aucun de nous ne sait comment il a fait. Snowden est le seul à le savoir, et un jour, peut-être, il le révélera. Et deuxièmement, c’était son idée – il l’a suggérée et nous l’avons adoptée.«

Nouvel épisode en 2017 ?

Il se dit qu’Edward Snowden n’était pas au départ un chaud partisan du film et qu’Oliver Stone a eu toutes les peines du monde à le rencontrer. Mais souhaitant sans doute que le réalisateur américain, connu pour son goût de la polémique et ses théories fracassantes, ne transforme pas son aventure de héros ordinaire en blockbuster d’espionnage, il a finalement décider de coopérer. Le résultat est un film plutôt sobre, à l’aune de ce que produit la plupart du temps Oliver Stone, et que l’ex agent de la CIA a cautionné puisqu’il apparaît à la fin du film lors d’une intervention via Skype à une conférence TEDx en mars 2014.

L’histoire n’est évidemment pas finie ! Et elle va s’écrire sous nos yeux en 2017 puisque son visa russe expire en Août. Edward Snowden a toujours déclaré qu’il souhaitait retourner aux Etats-Unis mais à condition que cela se fasse dans des circonstances équitables, espérant même, dans une interview au Guardian en septembre 2016, un pardon de Barack Obama avant qu’il ne quitte la Maison Blanche, arguant que ses révélations ont finalement bénéficié aux citoyens en renforçant les libertés publiques. Mais pour l’instant ni la sphère politique ni même l’opinion publique ne lui sont favorables.

Je recommande fortement à tous ceux qui ont l’intention d’aller voir ce film et qui n’aurait pas vu Citizen Four, de regarder tout d’abord le documentaire car, d’un point de vue cinématographique, il est nettement plus prenant et haletant, et qu’il est un point d’ancrage qui donne son intérêt principal au film d’Oliver Stone. A toutes fins utiles il est par exemple disponible en VOD.

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