LIVE REPORT : Asaf AVIDAN - 20 mars 2017 à L'Auditorium

Première partie: Marika Leïla Roux, "Etude de la Chute. The First Study"

Au bord du précipice, de la fin des temps et avant la fin du monde, prendre conscience qu’une minute avant de tomber, le corps existe ; le corps va. Se déployer entre le naître et le mourir. Davantage que de vivre coûte que coûte, furieusement et violemment, davantage encore qu’une philosophie de l’instant et des sensations, les corps mis en scène par Marika Leïla Roux pour la première partie et les textes et la musicalité d’Asaf Avidan permettent de vivre ici et maintenant.

« Hic et nunc » : dans le voyage de la vie comme allant d’un point A à un point B, Asaf Avidan criant tel un chat blessé (Libération, 2013) dans son micro invite à la prise de conscience que malgré la chute certaine, la voie de chemin de traverse existe.

En filiation de Camus, nous sommes étrangers : étrangers à nous-mêmes mais responsables (Meursault dans L’Etranger, mais aussi Patrice Mersault dans La Mort heureuse), mais Hommes mouvants (Giacometti), mais Hommes penseurs (Rodin) non fixes, ni statués.

La première partie réalisée par Marika Leïla Roux, « Etude de la Chute/ The First Study » mettait en scène deux femmes mais en réalité deux corps, liés poings mais non pieds, suspendus par un anneau à quelques centimètres du sol. Le premier corps, après avoir attaché le second et l’avoir mis en mouvement « gravitationnel », le délace peu à peu. Soudain, la liberté est permise pour le corps suspendu, les pieds et les mains s’approprient l’espace à l’horizon avant que les rôles s’inversent. Expérience d’un autre mode d’existence dégagé du sol mais toujours contraint.

Un quelque chose encore reste à étudier peut-être : la signification des corps féminins liés par des cordages rouges. Eventuellement une signification particulière à interroger et à mettre en rapport avec la genèse de l’existence et les fluides corporels des femmes – mais aussi une connotation plus sexuelle assez équivoque.

Le concert en lui-même est vécu comme une parenthèse quasi métaphysique, pourtant raccrochée à l’actualité : dénonciation du mandat de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis (« Little little little puppy – bitch »). Génie, Asaf Avidan transmute sa musique en performances All-in-one avec des enregistrements en live de sons et joue de sa voix comme d’un instrument aux multiples accords et possibilités. Seul, il réalise le travail éprouvant de faire orchestre.

Philosophie aussi avec des pistes de réflexion sur les buts de vie, l’appréhension face à la mort, la découverte de l’existence : le cri du chat devient plus qu’une mutation génétique, une mutation musicale « performée ».

Cette parenthèse exprime tout à la fois la conception de la salle – l’auditorium – et la relation artiste-public vécue intensément : si le voyage est célébré comme médium à la connaissance d’autrui et riche d’expériences vécues, participer à cette parenthèse musicale c’est célébrer aussi notre reconnaissance de nous-mêmes.

Asaf Avidan, avec beaucoup d’émotion et d’humilité qui lui sied autant que son génie – au sens du genius latin – nous replace dans notre « habitat » de corps-gravitant au point antéposé à la chute et nous met en garde.

Quoi qu’il arrive nous chuterons : autant il est vrai que les chats retombent toujours sur leurs pattes – et c’est tout ce que l’on souhaite au Wounded Cat – tout nous oblige à explorer notre point d’humanité et à vivre entre cette gravité physique et morale.

Comme dans la réalisation aérienne de Marika Leïla Roux, un nouvel espace est né.

Parenthèse refermée.

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