Françoise Héritier, les idées reçues et la guerre des sexes

Édito du n°1073 - mercredi 8 novembre - Petit Bulletin Grenoble

Sur toutes les questions d’actualité qui agitent aujourd’hui notre société, il faut lire les propos de Françoise Héritier. Notamment sa longue interview accordée au Monde début novembre et titrée « Il faut anéantir l’idée d’un désir masculin irrépressible ». Car comme l’écrit la journaliste qui a recueilli sa parole, tout au long de sa conséquente carrière (elle aura 84 ans le 15 novembre), « l’ethnologue et anthropologue n’a cessé de déconstruire les idées reçues sur le masculin et le féminin ».

Au fil de la discussion, Françoise Héritier revient sur son parcours, de son éducation (« la discrimination était insidieuse. Il n’était pas question par exemple que mon frère desserve la table ou mette le couvert ») à sa première mission en Afrique en tant que géographe (« on n’a [d’abord] pas voulu de moi parce que j’étais une fille. Entendez : trop fragile, incapable de survivre à la chaleur, à l’eau sale, aux moustiques, aux serpents, aux scorpions, aux animaux féroces… ») en passant par les rapports avec ses parents (« je crois qu’ils n’ont réalisé ma compétence dans un domaine que lors de ma leçon inaugurale au Collège de France, en 1983, lorsque j’ai succédé à Claude Lévi-Strauss. Mais c’était un peu tard »).

Elle montre surtout, dans cette interview comme dans beaucoup de ses ouvrages (il faut aussi lire ses livres), comment un état de fait (la domination masculine) n’a rien d’inné. « Cette hiérarchie entre les sexes est une construction de l’esprit et ne correspond à aucune réalité biologique. Hommes et femmes ont les mêmes capacités physiques, cérébrales et intellectuelles. Mais cette dysmorphie a été construite ! » Des propos qui vont paraître évidents pour beaucoup, mais vu parfois le niveau du débat et les tribunes que certains jugent bon de publier (comme Nicolas Bedos qui regrette que « la libération de la parole vire à la guerre des sexes » – cette guerre existe depuis longtemps Nicolas, et ce ne sont pas les femmes les belligérantes comme l'a maintes fois expliqué Françoise Héritier), mieux vaut être sûr de bien enfoncer les portes que l’on croyait ouvertes mais qui ne le sont finalement pas tant que ça.

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