Lecture musicale, Le Garçon, Marcus Malte

23 novembre 2018, à l'amphithéâtre de la SEPR, avec la Libraire L'Esprit livre (Lyon 3ème/ Dauphiné-Lacassagne) et ses partenaires (SEPR, Quais du Polar, AERYS AVOCATS)

Change, invente, arrache, crée.

Charge, cogne, balafre-les.

Dès qu’ils te disent que c’est foutu, que c’est foutu, tu les fais taire.

(…)

Attends-moi le monde, j’arrive, j’arrive, j’arrive.

Ben Mazué, « J’arrive », 2017 (album La Femme idéale)


Je n’ai pas lu le roman. Non. A peine feuilleté hier – j’ai regardé le résumé sur la dernière de couverture : « Intéressant. Le Parcours d’un Garçon qui n’a pas l’air de vivre par lui-même… »

Je fais des liens avec d’autres lectures présentes. Je regarde l’illustration en page de garde. Un arbre ? Je repose le livre, je ne l’achète pas. Je ne suis pas venue pour lui.

J’ai pris ma place pour la lecture musicale proposée par la librairie de mon quartier le jour précédent. Pas d’urgence donc ; je pourrais acheter le roman demain…

Aujourd’hui.

Dans ces calculs, ma vie s’entremêle. Des repas, des heures de sommeil. Un réveil. Un vendredi. Il pleut ici. Je découvre mon futur métier vu de l’intérieur. Je rencontre des gens. Je parle et observe, note. Je créerai, demain. Et puis la pluie encore. Beaucoup. Le froid.

Avec le téléphone, je ressors. Je prends des nouvelles. Je discute avec la vie. Et enfin, la salle, la rencontre avec mon alter ego, pas de doute, après tout, nous sommes d’une espèce à fréquenter les librairies.

Et une voix. Inconnue, qui s’élève. Au début, je ne l’aime pas ; Elle est l’étrangère, qui raconte. C’est dur, de mettre derrière soi ce que l’on est, ce que l’on sait, sa pudeur. Je ne veux pas me prendre au jeu de me fondre avec les autres dans le groupe « auditeurs ». Et ne suis pas assez naïve pour croire que l’auteur ne s’adresse qu’à moi. Théâtre. Puis, j’accepte de comprendre des mots que je n’ai pas forgés, un ensemble corps et voix qui me sont exposés. Je vois moi aussi les corps marchant dans la lande ; je fais, moi aussi la rencontre avec l’Ogre des Carpates, Emma, le saule… Puis la guerre, la Grande – celle dont on ne peut se souvenir mais dont on écoute les récits de ceux qui l’ont apprise. Et un nouveau sens s'ouvre à moi.

Je m’interroge…

Et je suis perdue entre les mots, les chants, l’orchestre du roman, là – sous mes yeux.

Alors oui, j’ai déjà lu des textes qui m’ont laissée sans voix. Quoi ? J’ai déjà vécu moi aussi ces prises d’instants après un film, un documentaire, une chanson, un poème… Déprise, je reste assise dans ce fauteuil où j’ai les pieds froids après la pluie. Je contemple les mouvements des autres devant, aux côtés, derrière moi qui sont revenus à la vie plus rapidement que moi. J’attends, j’arrive.

Evidemment j’achète le livre. J’ouvre une page et lis. Evidemment je guette la dédicace. Quoi dire ? Merci.

Oui c’est ça : « Merci, pour cette soirée. »

Honteuse un peu de ne pas avoir su quoi dire, je m’élance et rentre. Un nouveau trésor dans ma sacoche. Une reconnaissance pour cette librairie. Pour la vie. C’est simple, naïf, grossier presque mais… oui, c’est ça : Merci. Grâce, Miséricorde, Pitié.

Don que je te rendrai.


Même l’invisible et l’immatériel ont un nom, mais lui n’en a pas. Du moins n’est-il inscrit nulle part, sur aucun registre ni aucun acte officiel que ce soit. Pas davantage au fond de la mémoire d’un curé d’une quelconque paroisse. Son véritable nom. Son patronyme initial. Il n’est pas dit qu’il en ait jamais possédé un.

Le Garçon, Marcus Malte, 2016 (incipit)

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