Liberté et vérité des images

Événement / Des documents et films rares, des rencontres, des hommages, des ateliers : du 15 au 27 octobre se tient la deuxième édition de Cinéphilies dans divers lieux de l’agglomération. La programmation riche et de qualité réunit des films et documents autour du cinéma du réel des années 50 et 60. Sans hésitation, c’est l’événement du mois. Séverine Delrieu

Sur les nombreuses projections prévues - plus d’une trentaine - beaucoup de films nous attirent, que nous n’avons pas encore vu. On ne peut résister à faire la liste non exhaustive de ces films, histoire de nous mettre l’eau à la bouche. Citons pêle-mêle la soirée d’ouverture avec une projection de Chronique d’un été réalisé par Jean Rouch et d’Edgar Morin en 1960. Ce film est un document sur Paris tourné sans acteur professionnel, ni scénario, et tente de donner les limites de la vérité cinématographique. Le lendemain, des séances de courts-métrages réunissent des réalisateurs porteurs de renouveaux : seront projetés Les statues meurent aussi de Chris Marker et Alain Resnais, Le Chant du Styrène d’Alain Resnais, ou Le sang des bêtes de Georges Franju. À l’issue des projections, Roselyne Quéméner, enseignante de Cinéma, viendra expliquer en quoi ces films sont précurseurs de La Nouvelle Vague, mouvement majeur qui fit évoluer le cinéma français à partir des années 60. Nouvelle VagueD’autres documents comme Le Petit soldat de Jean-Luc Godard réalisé en 1960 et qui fut censuré pendant plusieurs années à sa sortie en France, risquent de bouleverser. Il dénonçait la torture pratiquée pendant la guerre d’Algérie, côté français comme côté algérien. One plus One, autre film de Jean-Luc Godard, met en parallèle des images de séances d’enregistrement des Rolling Stones et des scènes de contestations politiques avec des Black Panthers. Godard tente de montrer dans ce film puzzle les liens entre création artistique et utopie sociale. Autre document à découvrir : les deux films très libres réalisés par un amoureux de la musique et des terres américaines, François Reichenbach. En 1967, un groupe de cinéastes affirmait son soutien au peuple vietnamien en lutte contre les États-Unis. Ils réalisent Loin du Vietnam, onze points de vue, notamment ceux d’Agnès Varda, Alain Resnais, Godard, Klein, sur cette guerre. Les images sont montées par Chris Marker. Un hommage sera rendu à la magnifique Agnès Varda justement, avec de nombreuses projections de ses films peu montrés, qu’elle réalise entre 50 et 60. Un long-métrage, La pointe courte, et des courts, L’opéra-mouffe, Du côté de la côté, Black Panthers. Autres hommages, celui rendu à Jean Rouch, ou à l’immense Peter Watkins avec les projections de Culloden et du chef-d’œuvre La Bombe. Enfin, en clôture de cet inestimable Cinéphilies (proposé par l’association des Cinéphiles Anonymes) est prévue la projection de La soif du mal d’Orson Welles. Le film sera précédé d’une intervention fort stimulante du critique de cinéma Nachiketas Wignesan intitulée Comment Orson Welles tua le cinéma classique et enfanta du cinéma indépendant américain.Free cinemaÀ EVE, une soirée se focalise sur le Free cinema. Le Free cinema, mouvement de cinéastes britanniques, pourrait se comparer à la Nouvelle Vague française. En 1956, des cinéastes comme Lindsay Anderson, Karel Reisz, Tony Richardson ou Lorenza Mazetti, se regroupent pour faire connaître leurs films, documents qu’ils projettent au National Theater de Londres. Cette première programmation trouve un large public, si bien que cinq autres programmations suivront. Les œuvres s’attachent à suivre la vie simple des couches sociales anglaises défavorisées, et donnent la parole à ceux que l’on entend peu. Ces documentaires libres sont majoritairement produits grâce au bfi Experimental Fund, et, en cela annoncent les films dits de “réalisme social” qui fleurissent au début des années 60. Dans le vaste choix qu’offre le Free cinema, l’équipe organisatrice a notamment choisi six documents, dont O Dreamland, Nice Time, The singing street, ou encore Momma don’t allow. Mais le très touchant Together de Lorenza Mazetti réalisé en en 56 a particulièrement retenu notre attention. Contrairement à bon nombres d’autres travaux du Free cinema qui sont des documentaires, Together fait figure d’exception : c’est une fiction. Dans les quartiers bombardés de l’est de Londres, deux exclus, des sourds et muets dockers, tentent d’exister malgré leurs handicaps. Cruel, dur mais toujours poétique, ce film tourné en 35 mm, émeut et fascine par sa réalisation exemplaire. L’autre document absolument immanquable, c’est La Bombe, de Peter Watkins projeté le vendredi également à EVE. Nous sommes en 1967, au moment de la guerre froide. Watkins, réalisateur des plu essentiels, créateur d’œuvres mémorables, et toujours en activité, spécule, imagine les conséquences d’une bombe atomique lancée par les russes sur l’Angleterre après une escalade de ripostes. À travers ce film, Watkins critique l’appareil médiatique, politique, mais nous permet surtout de nous rappeler qu’à tout moment le citoyen peut devenir un acteur de l’Histoire conscient et responsable.Cinéphilies du 15 au 27 oct à la Salle Juliet Berto, EVE, Amphidice, Cinéma Le Méliès, Mon Ciné

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