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L’avocat de la terreurde Barbet Schroeder (Fr/All, 2h15) documentaireÀ personnage fascinant, réalisateur exceptionnel. Barbet Schroeder ne se fait bouffer ni par le monstrueux Jacques Vergès, ni par le poids de l’Histoire. Louvoyant entre les zones d’ombre, le cinéaste crée une fascinante mosaïque narrative où s’entrecroisent revirements idéologiques, terrorisme international, passion, sentimentalisme, hypocrisie. Absent du cadre, laissant les intervenants dresser le portrait de son sujet, Schroeder laisse Vergès seul face à ses contradictions dévorantes. Une véritable claque. FC Le ClubBoulevard de la mortde Quentin Tarantino (EU, 1h50) avec Kurt Russell, Rose McGowan... (int.-12 ans)Le film sur lequel se sont cristallisés tous les malentendus sur l’œuvre de Quentin Tarantino. Le pire ? L’accusation, sotte au possible, que notre homme n’est qu’un compilateur talentueux, alors que nous avons affaire, preuve en est faite avec Deathproof, à un véritable auteur. Son seul tort est peut-être de trop afficher ses références, au point que celles-ci deviennent écrasantes pour les esprits étriqués. On le répète une dernière fois pour les cancres : Tarantino s’empare certes d’un genre, mais le transcende par sa vision unique. FC La Nef (VO), Pathé Chavant, Les Écrans, Art et PlaisirsI don’t want to sleep aloneDe Tsai Ming-Liang (Taïwan, 1h58) avec Lee Kang-Sheng, Cheng Shi-zheng…Kuala Lumpur est une métaphore de notre monde désatreux : polluée, humide, asphixiante, bétonnée, apocalypse tranquille, paysages urbains improbables, dominée par la misère et la servitude au travail, bouffée par le monde marchand. Les plans sont fixes, lents et captent les gestes répétitifs des personnages, un exilé du Bangladesh, un vagabond, une chinoise, un paralysé. Perdus dans ce dédale, ces miséreux, taiseux, glissent. Les corps, le désir, les amours passionnelles surgissent, des saignées de poésie, et échouent sur un matelas, dernier îlot humain. SD Le Méliès (VO)Jesus Campde Rachel Grady et Heidi Ewing (EU, 1h25) documentaireImmersion dans un “séminaire“ évangéliste, où une véritable folle de Dieu, la terrifiante Becky Fischer, entend former des jeunes pousses au versant le plus aveugle de la foi. On y grime des gamins illuminés en mercenaires christiques pour des chorégraphies de groupe que ne renieraient pas Kim Jong-il, on y conchie Harry Potter (vénérer un sorcier, c’est mal), on y embrasse à tour de rôle une effigie cartonnée grandeur nature de George W. Bush… L’absence de commentaires directs sème un furieux trouble dans le regard du spectateur ; cette somme de séquences hallucinées vaut en même temps tous les discours. FC Jeu de Paume (VO)Sanjurode Akira Kurosawa (1962, Japon, 1h36) avec Toshiro Mifune, Tatsuya Nakadai…Sanjuro Tsubaki, personnage récurrent de Kurosawa, est un samouraï attachant qui prend sous son aile des jeunes inexpérimentés afin de les aider à déjouer un complot contre le chambellan. Lors des combats, les hommes n’éprouvent aucune satisfaction après la victoire, au contraire, ils se fondent en excuses, ce qui confère à ce film sorti en 62, une aura humaniste. Particulièrement jouissif aussi, les effets comiques mêlés à une autre vision de la virilité et de la force masculine : ce film transpire des idées anti-militaristes et pacifistes de Kurosawa. SD Le Méliès (VO)Still lifede Jia Zhang-Ke (Chine, 1h48) avec Han SanmingDans le paysage peuplé de m’as-tu-vu du cinéma contemplatif, Jia Zhang-Ke laisse tout le monde cent kilomètres derrière avec Still life, récit épuré mais d’une force visuelle et romanesque éblouissante relatant deux trajectoires symétriques (un homme cherche sa femme, une femme cherche son mari) à travers la vallée des trois gorges, lieu symbolique des mutations chinoises actuelles. Pendant qu’on enfouit discrètement les restes du communisme, le capitalisme sauvage s’impose dans l’anarchie la plus totale. Un grand film sur l’identité (individuelle et nationale), tirant autant vers le mélodrame que vers le fantastique… CC Le Club (VO), Jeu de Paume (VO)Très bien, mercid’Emmanuelle Cuau (Fr, 1h40) avec Gilbert Melki, Sandrine Kiberlain...Comment un homme, dont le seul tort est de vouloir un minimum penser par lui-même, se retrouve pris au piège des machines à broyer sociale et administrative. Sorti avec un an de retard par rapport à la date prévue, le nouveau film d’Emmanuelle Cuau a servi, presque malgré lui, de catalyseur à toutes les craintes d’une France d’après déshumanisée et coercitive au possible. Au-delà de l’apparent pamphlet se dessine une œuvre fataliste, dont l’humour est définitivement une politesse du désespoir. FC Le ClubWe feed the worldd’Erwin Wagenhofer (Autriche, 1h36) documentaireDocumentaire vraiment passionnant, qui suscite la critique, la révolte plus que le désespoir, sur le gaspillage alimentaire et à l’incohérence du marché mondial. Ponctué d’interventions éclairantes de Jean Ziegler, rapporteur spécial de l’Onu pour le droit à l’alimentation, ce film édifiant démonte la logique du profit et de l’absurdité de la mondialisation à l’aide de nombreux exemples péchés au quatre coin de la planète. L’interview du cynique PDG de Nestle pour qui l’eau doit être «une valeur marchande» et qui se perd dans ses nombreuses contradictions, est consternante. SD Le Club (VO)Zodiacde David Fincher (EU, 2h36) avec Jake Gyllenhaal, Mark Ruffalo…Les mauvais esprits donnaient Fincher cliniquement mort après la fausse déception Panic Room, et le capotage successif de quelques projets. Se fichant éperdument du qu’en-dira-t-on et des attentes de l’establishment, le cinéaste nous offre une œuvre grandiose, dont la narration elliptique et exigeante épouse son sujet à la perfection. Zodiac impose sa superbe mécanique dramatique avec la virtuosité des plus grands, jette un regard acide sur la fascination malsaine des USA pour ses facettes les plus sombres. FC Le Club (VO), Les 6 Rex, Pathé Échirolles, Les Écrans, Art et Plaisirs

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