Le cinéma est politique

Filmo / Avant “Très bien, merci” Emmanuelle Cuau a réalisé d’autres très beaux films et écrit de brillants scénarios. Séverine Delrieu

Film politique et social remarquable, Très bien, merci s’ancre dans un contexte français actuel très inquiétant : à travers le personnage de Melki, la réalisatrice montre comment les diverses autorités et instances de surveillance (patron, contrôleurs, police, certains psys), ôtent tout libre arbitre et liberté à un homme. Le travail précieux de la réalisatrice est de poser un regard intelligent et fin sur une société et époque données, sur lequel ses personnages, psychologiquement très bien écrits, trouvent un terreau fertile à leur jeu. On retrouve cette manière de procéder dans ces travaux précédents. À commencer par ses courts-métrages qu’elle réalise dès sa sortie de l’IDHEC. Offre d’emploi, par exemple, court sorti en 93 (et entre autre primé au Festival de Grenoble), nous plonge dans la folie des recherches d’emploi. Si dans Circuit Carole son premier long tourné un an plus tard le contexte professionnel est plus en arrière-plan, il est néanmoins synchrone avec deux psychologies désœuvrées. La réalisatrice insère dans cette France léthargique, une histoire de dépendance entre une fille et sa mère, personnages magistralement incarnés par une Bulle Ogier terrifiante d’impassibilité, et la trop rare Laurence Cote, rejetant sporadiquement une mère envahissante. Et l’humain là-dedans ?Leur relation, a priori tendre, est surtout perverse, compliquée, étouffante, passionnelle, baseé sur une dépendance malsaine, comme le traduit une scène d’introduction magistrale. Lorsque la mère (employée) trouve un travail de standardiste à sa fille dans une entreprise de banlieue Nord, Marie (Cote), s’émancipe paradoxalement lorsqu’elle découvre le circuit de moto Carole (du nom d’une jeune fille décédée) et rencontre un motard séducteur (incarnation d’une virilité absente). L’éloignement de la jeune fille, accélère la chute d’une mère vide, décrochant avec la société. Emmanuelle Cuau dans ce premier long, écrit des dialogues déroutants, justes. Cette justesse dans les échanges, on la retrouve dans Secrets Défense (sorti en 98), un film de Jacques Rivette sur lequel Cuau écrit scénario et dialogues en collaboration avec Pascal Bonitzer. Là encore, le contexte social est primordial : Sandrine Bonnaire, chercheuse en cancérologie et fille d’un fabriquant de missiles apparemment mort accidentellement dans un train, reçoit la visite de son frère (excellent Grégoire Colin) petit vendeur de journaux qui trouve la preuve que sa père à été assassiné. Certes, le tueur, le frère et la sœur le connaissent, mais la monstruosité n’est pas là où on l’attend : ce film parle en creux des non-dits terribles, de l’ambition libérale dévastatrice, de la prédominance de l’argent sur l’humain.

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