Historique / La carrière d’Idiocracy aux Etats-Unis est des plus “étranges“. Le déni explicite du film par le studio qui l’a produit est même un cas d’école, sur lequel la lumière ne sera probablement jamais faite. Avant de se lancer dans quelques spéculations, attardons-nous sur les faits reconnus. Le dernier long métrage de Mike Judge, Office Space (voir ci-dessous), s’est gaufré en salles mais a été vendu à plus de 6 millions d’unités en DVD, gagnant rapidement le statut envié de film culte. Sa série animée King of The Hill est l’un des programmes phares de la chaîne Fox. Même s’ils ont le plus grand mal à s’expliquer un tel plébiscite, les exécutifs du groupe insistent pour que Judge fasse son retour sur grand écran. L’auteur rédige ainsi le scénario d’Idiocracy ; une fuite sur le net décrit l’objet comme une charge féroce, et s’interroge avec circonspection sur son devenir - funeste prémonition. Le film est terminé début 2005, pour une sortie prévue en août de la même année. Et là, la machine cale. Invoquant des projections test catastrophiques, la Fox retire au réalisateur le budget prévu pour la post-production, tant et si bien que Mike Judge doit aller quémander auprès de ses amis pour finaliser les derniers effets spéciaux (Robert Rodriguez finira par s’en charger bénévolement). Une fois complété, le film reste pourtant dans les tiroirs du studio, la sortie est décalée un nombre invraisemblable de fois pour finalement atterrir sur les écrans US en septembre 2006. Mais il s’agit là de la sortie la plus confidentielle jamais opérée par la Fox dans toute son histoire : distribué dans sept villes, sur 130 écrans (à titre indicatif, le film Little Miss Sunshine, considéré comme une “petite“ sortie, a été diffusé sur 1500 copies par le même studio), Idiocracy ne bénéficie en plus d’aucun support publicitaire – pas de pub, pas de photo promo, pas de projection pour la presse et, cas unique dans l’histoire hollywoodienne, pas de bande-annonce (Mike Judge en a pourtant confectionné une, qu’on peut retrouver sur quelques sites web, mais le studio ne l’a jamais validé, lui interdisant même de la diffuser aux journalistes). Il a fallu attendre la sortie du film en DVD en janvier dernier pour que le public américain ait vaguement connaissance de l’existence du film. La Fox et Mike Judge refusant officiellement de se prononcer sur le sujet, on peut tout de même supputer que la source de ces problèmes vient du propos franchement destructeur du film à l’égard de ses bailleurs de fonds. On peut éventuellement reprocher à Mike Judge de s’être écrasé face à la hiérarchie, à l’inverse du discours qu’il prônait dans Office Space. Mais le film parle à sa place avec une clarté farouchement corrosive… FC
