Les Nouveaux Monstres

REPRISE / Encore plus monstrueux que leurs prédécesseurs, les protagonistes de ces 12 sketchs témoignent de l’atmosphère délétère qui rongeait l’Italie de la fin des années 70. Une charge politique, sociale et comique dont l’admirable férocité fait toujours un bien fou, surtout en ces temps de consensus cinématographique mou. FC

Le film n’entretient a priori aucun rapport narratif avec Les Monstres, réalisé en 1963 par Dino Risi. Mais le but est le même : capter les travers caractéristiques de l’époque, à travers une suite de sketchs mettant en scène de bien piètres représentants du genre humain. Selon deux des co-scénaristes du film (le tandem Agenore Incrocci et Furio Scarpelli), cette nouvelle mouture fut réalisée à la base pour venir en aide financière à l’un de leur collègue gravement malade. Mais que cette noble origine ne vous abuse pas : cette fausse séquelle surpasse le premier film en termes d’exploration des tréfonds de la bassesse humaine. L’Italie, plongée dans le marasme des années de plomb, est au cœur d’un bouleversement socio-politique particulièrement trouble et douloureux. Le cinéma de genre italien est en train de livrer ses œuvres les plus barrées. Les Nouveaux Monstres, fruit de l’énergie commune des plus grands satiristes nationaux (Risi, Scola, Monicelli, Ruggero Maccari, Age et Scarpelli…), sera forcément plus virulent. Non par défiance ou par simple provocation, mais par la volonté inébranlable d’artistes talentueux, conscients que l’humour offensif est une arme destructrice. Et là, cette force de frappe est entre de bonnes mains.Affreux, sales et méchantsRevoir Les Nouveaux Monstres aujourd’hui, pour peu qu’on ne reste pas interdit devant un film largement plus séditieux que, au hasard, les deux dernières années de cinéma français, procure un sentiment de malaise diffus. Une gêne vicelarde, des rires honteux jusqu’au funeste sketch final, tout simplement irrésistible d’horreur primesautière. Mais avant d’arriver à cette respiration, il aura fallu retenir notre souffle devant un amoncellement d’histoires traumatisantes. Un grand blessé saoulé de paroles vaines avant d’être abandonné. Des parents vendant leur fille. Alberto Sordi criant «Traitez-la comme une reine !» aux infirmiers qui poussent sa mère dans l’hospice qu’il lui a choisi. L’intégralité du sketch Sans Paroles (à remettre en perspective, vu son sujet désormais brûlant) avec Ornella Muti, véritable chef-d’œuvre à lui tout seul. Une irrévérence permanente dans un ensemble artistiquement inégal, mais traversé de fulgurances saisissantes. On le ressasse sans cesse dans ces colonnes, les années 70 furent pour le cinéma absolument grandioses, porteuses d’une révolte correctement dirigée et finement amenée, qui nous ferait devenir nostalgique de cette lointaine époque où nous n’étions même pas né. Les nouveaux monstresDe Mario Monicelli, Dino Risi et Ettore Scola (1978, Ita, 1h55) avec Alberto Sordi, Vittorio Gassman…Le 14 mars à 20h, au CCC (Salle Juliet Berto)

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