Caméra occupée

Retrospective / L'événement de ces 11e Rencontres Ethnologies et Cinéma est la rÉtrospective des films de l'indispensable et franchement courageux cinéaste Israëlien, Avi Mograbi. Séverine Delrieu

Les travaux d’Avi Mograbi, filmeur infatigable, sont très diversifiés dans leur forme. Documentaires, fictions, faux journal intime, farces, objets artistiques, œuvres d'un homme engagé, en résistance. Sur le fond, depuis les années 90, ses films convergent plus ou moins à regarder l'Histoire de son pays, et à dénoncer l'oppression inhumaine de son peuple envers les Palestiniens. Son film le plus récent, le poignant Pour un seul de mes deux yeux (2005), est un documentaire constitué d'assemblages de scènes inoubliables saisies au fil de ses déambulations. S'y mêle une conversation téléphonique de Mograbi avec un ami Palestinien, ce dernier lui expliquant comment l'humiliation permanente conduit un peuple au suicide. Des les premières séquences, Mograbi établit un parallèle entre les deux mythes fondateurs - le suicide héroïque de Samson et celui des habitants de Massada à l'approche des Romains - et l'oppression actuelle contre les Palestiniens. D'autres scènes absurdes, douloureuses emportent dans une émotion tenace. Tout aussi exceptionnel est ce film court, Relief réalisé en 99. C’est une œuvre d’artiste, foudroyante, constituée d'images en boucle du premier Jour de la Nakba à Jérusalem. Soit une scène de foule en rage qui est repoussée par les soldats israéliens. L'image devient celle d'un jeu vidéo ; le son, est un long râle insoutenable ; la caméra balaie la foule, comme à la recherche d'une cible. La répétition des images étouffe, comme le conflit - et ce dernier reste sans solution. Le Moretti de Tel- AvivDans Août (avant l'explosion) (2002) Mograbi tient le rôle principal de son film, et joue également celui de sa femme et de son producteur. Des séquences amusantes se juxtaposent aux images de la rue - sur un écran divisé - et offre un portrait actuel et nerveux de la psyché israélienne. Happy Birthay Mr Mograbi, est une fiction métaphorique et un documentaire sur un triple anniversaire : celui du cinquantenaire de l’état d’Israël, celui du Nakba (“le désastre”) - nom que les Palestiniens ont donné à la création de l’état d’Israël - et le 42e anniversaire d’Avi Mograbi lui-même. Sur un ton humoristique au départ, le film se colore brutalement d’un désespoir devenu insoutenable. Dans At the back, film lancinant réalisé en 99, Mograbi quitte la conflit israélo-palestinien, pour un pays asiatique. Une caméra suit une touriste, constamment collée à son dos. Le spectateur n'obtient donc qu'une vision restreinte du pays, alors que peu a peu une relation émerge entre le filmeur et la filmée, un conflit, une séparation ? Dans Comment j'ai appris à surmonter ma peur et à aimer Ariel Sharon, réalisé en 96 (que nous n'avons pas vu) Avi Mograbi décide de réaliser un documentaire sur Ariel Sharon à l’approche des élections. Dans Deportation (89), fiction courte, le réalisateur met en scène des hommes qui font quitter leurs terres à d'autres hommes : sans paroles, Mograbi réussit à faire passer le sentiment de la domination gratuite de certains hommes sur d'autres. Regards bouleversants. Et larmes amères. Rétrospective Avi Mograbiles 1ers et 9 mars, lieux divers (visio-conférence avec le réalisateur le 9 mars à 16h, à la MSH-Alpes)Détails en pages agenda

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