Chéri, fais-moi peur

Après s’être fait un nom avec “Haute Tension” Alexandre Aja (le fils d’Alexandre Arcady) réalise “La Colline a des Yeux”, remake du film de Wes Craven. Propos recueillis par Dorotée Aznar

Petit Bulletin : D’où vous vient cette passion pour les films d’horreur ?
Alexandre Aja : Tout a commencé quand j’étais enfant : avec ma petite cousine, on se racontait des histoires horribles. Ensuite, j’ai regardé Shining, c’est mon premier souvenir de film de genre. Je devais avoir six ou sept ans et je dois avouer que cela m’a tenu éloigné des films d’horreur pendant quelques années ! C’est revenu avec mon meilleur ami, qui est aujourd’hui mon co-scénariste. Au collège, on écumait les vidéo clubs, on fabriquait des masques et des blessures… Et ça ne m’a plus quitté.Les années 90 ont été quelque peu fatales aux films d’horreur… Comment reprendre le flambeau ?
Les années 90 ont été frustrantes en termes d’horreur et de peur. L’ironie et le second degré permanent ont réellement tué le cinéma d’horreur. Depuis plusieurs années, on note un retour au premier degré et l’on a vu naître des films qui traitent la peur de façon réaliste et qui entraînent les spectateurs vers leurs pires cauchemars. Haute tension était un peu un hommage à ce cinéma des années 70.Quelle place accordez-vous à l’écriture ?
Pour La Colline, on a travaillé le plus possible l’aspect visuel dans l’écriture. Pour moi, si c’est fort dans l’écriture, c’est fort dans l’image… C’est ce qui fait la force de Stephen King par exemple. Ce qui me plaît le plus, c’est l’écriture.En voyant La Colline a des yeux, on peut se demander si vous n’êtes pas un brin sadique…
Normalement, dans les films d’horreur, on n’a pas le temps de s’attacher aux personnages. Dans La Colline, j’explore le “survival”, un sous-genre qui nécessite que le spectateur rentre dans l’histoire et s’attache aux personnages. Je ne pense pas être sadique pour autant et, en dépit des apparences, je n’ai rien contre ma famille ! Au contraire, perdre ma famille est ce qui pourrait me faire le plus de mal.La Colline a des yeux est un remake du film de Wes Craven. Il a été le producteur de cette nouvelle version. Quels ont été vos rapports avec lui ?
Wes était vraiment LE producteur du film et, pour la première fois de sa carrière, il a eu le final cut dans un film. Il avait tous les pouvoirs, mais il s’est comporté en gentleman ; il voulait que je fasse le film que j’avais envie de voir. À la fin de l’écriture, nous avons eu un bras de fer, notamment à propos de l’utilisation du drapeau américain, de l’hymne national ou sur le fait que je souhaitais traiter l’histoire d’une seule famille et pas de deux, comme dans la version originale. Finalement, Wes est revenu à sa grandeur d’âme et m’a laissé faire mes propres choix. Quant au tournage, il n’y a pas assisté…Travailler avec une distribution américaine était-il un challenge pour vous ?
Nous avons beaucoup réfléchi avant de nous lancer dans l’aventure de La Colline. Ce n’est pas la direction d’acteur qui me faisait peur, je craignais plutôt d’être bouffé par l’original. On était sur le fil au niveau de la réadaptation et cela n’a pas été évident tout le temps.À ce propos, faut-il avoir vu l’original pour apprécier votre version de La Colline a des yeux ?
Non, je ne crois pas. La Colline, ce n’est pas Massacre à la Tronçonneuse ! Dans l’original, c’est le concept qui était bien, le mauvais jeu, le film bricolé avec des bouts de ficelle en font un petit bijou d’humour noir… Je voulais le réinventer dans une dimension plus “peur”. Si l’humour a toujours sa place, il ne faut pas qu’il y ait d’humour “malgré”. Même si ma version est assez proche de l’original, il y a beaucoup de divergences et les personnages ne sont pas identiques.Commercialement, le film d’horreur est un bon créneau en ce moment…
Oui, les films d’horreur fonctionnent très bien aux Etats-Unis. Je pense qu’il y a un renouveau, pas seulement dans le cinéma de genre mais également dans la façon dont le public aborde les films. Aujourd’hui, les spectateurs n’hésitent pas à se confronter à des expériences un peu obscures qui sont très éloignées de leurs petites vies tranquilles. J’y vois un besoin d’exorciser, de vivre quelque chose d’un peu extrême.Un La Colline a des yeux “deux” est prévu… Vous n’en serez pas…
Non, le studio veut la suite pour mars 2007, il faut donc préparer le film très vite et cela ne m’intéresse pas. Je pense que le 2 sera plus gore mais après, cela dépend de qui le réalisera…Allez-vous vous intéresser à d’autres genres désormais ?
Il y a encore beaucoup de peurs à explorer et qui attendent d’être révélées. Je vais sans doute me diriger vers quelque chose de plus fantastique et de plus surnaturel.Quel sera votre prochain film ?
Un film américain qui explore le thème des miroirs (ndlr : un remake du film coréen assez moyen Into the Mirror). Imaginez qu’ils se mettent à refléter autre chose que nous-mêmes…

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