Dikkenek

Heurts et malheurs d’une bande de monstres humains frits dans la bière : un vortex de bêtise et de misère humaine made in Belgique. Vertigineux et vomitif. Nikita Malliarakis

Le réalisateur Olivier Van Hoofstadt est-il amateur de Reiser ? On serait tenté de le croire tant l’esprit du dessinateur se retrouve dans les saynètes horriblement drôles de ce pandémonium belge. Un groupe de personnages dignes de Gustave Doré se croisent dans une Wallonie de cauchemar qui ferait pâlir d’épouvante les habitants du Groland. “Dikkenek“ désigne, en argot bruxellois, le genre de flambeur que les marseillais appellent “kakou“. Le film suit dans un violent désordre les mésaventures de personnages parvenus à divers stades de démence, qui se croisent et se recroisent de manière anarchique, sans toujours se reconnaître d’une scène à l’autre. JC, un dikkenek invétéré, veut aider son lymphatique ami Stef à trouver l’âme sœur ; une institutrice repue de schnouff impose à sa classe des sorties éducatives malsaines ; Claudy, un grossiste en viande libidineux, tente sa chance comme photographe de charme et dragueur à la manque. Les histoires parallèles se rencontrent et s’entremêlent, poursuivant furieusement leur route vers nulle part. “L’horreur comique“, considérée par certains comme l’essence même du slapstick, se voit ici illustrée dans toute sa crudité : la Belgique, sous la caméra de Van Hoofstadt, est une terre d’épouvante régie par une violence à la limite du cartoon. La paire de baffes est la forme d’échange la plus répandue, comme peut en témoigner le jeune parvenu joué par Jérémie Rénier, perpétuellement brutalisé et humilié du début à la fin du film. Les personnages, beaufs entre le simiesque et le porcin ou ingénues perverses, rivalisent de grotesque dans des scènes dont l’humour glauque rappelle par moments l’anarchie de C’est arrivé près de chez vous, le sens du tragique en moins. Qui m’aime me suif Baigné dans le gras d’une platée de fricadelles trop cuites, Dikkenek revendique haut et fort l’outrance de son univers, dont il parvient paradoxalement à faire surgir une humanité touchante, grâce aux efforts des acteurs. Les prestations de Jean-Luc Couchard (JC), sorte de petit frère de Benoît Poelvoorde, et de François Damiens (Claudy), animateur de la caméra invisible belge qui révèle ici un grand talent de comédien, comptent parmi les meilleures surprises d’un film excellemment interprété. L’œuvre est assurée de provoquer des réactions épidermiques, sa rugosité pouvant exaspérer, voire révulser certains, là où elle en séduira d’autres. Telle une œuvre d’art conceptuel, Dikkenek fait crier au génie ou à l’imposture, sans que la radicalité de sa démarche puisse être mise en doute. L’absurde de la narration n’est pas toujours maîtrisée : le film, refusant d’emblée toute réelle progression dramatique, est en effet condamné à se terminer sur une pirouette pouvant décevoir mais bien dans le ton de l’arbitraire général. Voilà une histoire belge réservée aux estomacs solides : ceux qui parviendront à la digérer ne devraient pas regretter le voyage. Dikkenek D’Olivier Van Hoofstadt (Belgique/Fr, 1h24) avec Marion Cotillard, Dominique Pinon…

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