Faste et furieux

INCONTOURNABLES / Entre ses inévitables super-productions frelatées, l'année cinématographique 2006 annonce un rythme de sorties stimulantes beaucoup plus soutenu. FC

A priori, on la sent plutôt bien cette année. Bien évidemment, les projets honteux pullulent toujours autant, de suites improbables (Les Bronzés 3, Destination Finale 3, X-Men 3 par l'infâme Bret Rattner, Fast and Furious 3, Basic Instinct 2, Big Mamma 2, Donjons et Dragons 2 et même Bambi 2 !) en adaptations qui sentent déjà des pieds (voir ci-dessous). Ceci étant précisé, on pourra goûter pleinement aux joies d'un calendrier apparemment beaucoup moins disparate en qualité que l'an dernier, même si de fâcheuses tendances d'exploitation poursuivent leurs besognes laborieuses. Top fashion en 2005, le biopic oscarisable nous délivrera deux nouveaux rejetons peut-être pas si atroces : le Walk the Line de James Mangold (Copland) sur Johnny Cash, et le Capote de Bennett Miller (inconnu au bataillon), avec l'irréprochable Philip Seymour Hoffman en Truman. Fiction politique : la revanche ?Prenons donc acte, et penchons-nous sur un cinéma américain en pleine redécouverte de son histoire. Le grand Terrence Malick, tout d'abord, s'attardera, flanqué de Colin "2 sniffs à Miami" Farrell, sur la vraie histoire de Pocahontas (dont la lutte contre les colons anglais ne se serait pas vraiment déroulée en chansons) avec Le Nouveau Monde. Dans le plébiscité Syriana, le scénariste de Traffic Stephen Gaghan offre un film choral sur la main-mise américaine sur l'industrie du pétrole, tandis que Sam Mendes balance Jack Gyllenhaal (également à l'affiche du Brokeback Mountain d'Ang Lee) en pleine première Guerre du Golfe dans Jarhead ; et puis, c'est limite hors sujet mais n'oublions pas que les premiers échos du Munich de Spielberg sont carrément favorables... Du côté français, l'unique franc-tireur se nomme Claude Chabrol, dont on attend beaucoup de L'ivresse du pouvoir, sa fiction autour de l'affaire Elf. Autre grand espoir national, le brillant Albert Dupontel livrera enfin sa fable sociale Enfermés Dehors (un SDF change de vie lorsqu'il prend possession d'un uniforme de policier), annoncée depuis des temps immémoriaux. L'Asie en baisseNotre bien-aimé cinéma asiatique se verra toujours relégué à la portion congrue (on espére que le rythme hallucinant des sorties DVD se prolongera, faute de mieux). Dans les six mois à venir, on ne dénombrera en effet qu'une dizaine de sorties... On retiendra deux sorties prévues pour le mois de janvier et début février. Dans un premier temps, citons le dépoussiérage du jouissif Pompoko d'Isao Takahata, "énième" morceau de bravoure animé de l'auteur du Tombeau des Lucioles, narrant la lutte d'une bande de ratons-laveurs pour préserver leur territoire contre le développement destructeur de l'urbanisme. L'humour gicle dans tous les sens, au risque d'y perdre le spectateur, mais le maestro retombe magnifiquement sur ses pattes dans une conclusion douce-amère. Deuxièmement, ceux qui avaient eu l'occasion de voir le film omnibus inter-asiatique 3... Extrême (en dépit de son exploitation lapidaire) pourront prolonger l'expérience avec Nouvelle Cuisine du taïwanais Fruit Chan, version longue et carrément plus aboutie de son sketch réalisé pour l'anthologie précitée. Les ellipses absurdes ont enfin disparu, et cette histoire de cure de jouvence d'un genre bien particulier se débarrasse de son ton esthétisant et poseur. Sous réserve de surprise de dernière minute, les fans de cinéma (dé)bridé devront par la suite ronger leur frein jusqu'au mois de mai, avec la sortie du visuellement renversant A Bittersweet Life du coréen Kim Jee-won (2 Sœurs). Dans cette histoire d'hommes de main tombé amoureux de la mauvaise femme, on sent violemment que le Old Boy de Park Chan-wook est passé par là, mais le cinéaste réussit enfin à concilier ses indéniables talents picturaux et l'humour à froid de ses premiers films. Auteurs outsidersAttendu au tournant depuis déjà un bon moment, l'argentin Fabian Belinsky (Les 9 Reines) poursuit quant à lui sa collaboration avec le génial acteur Ricardo Darin pour son thriller El Aura. Terry Gilliam devrait réconforter ses fans légitimement déçus par son bancal Les Frères Grimm avec le drame intimiste Tideland, dont les premières images sont simplement à couper le souffle. Et enfin, on guettera avidement les trois blockbusters d'avril, mai et juin. Dans l'ordre le Silent Hill de Christophe Gans, car on pense ce qu'on veut du Pacte des Loups (à condition d'en avoir vu la version longue), mais l'expectative de voir le lascar se coller à l'adaptation du jeu vidéo le plus flippant jamais créé (avis hautement personnel !), avec Roger Avary en co-scénariste, ça nous fait bêtement saliver. Vient ensuite le plus risqué du lot, le Mission Impossible 3 de JJ Abrams, dont on est assez fans des travaux télévisuels (les séries Alias et surtout Lost, dont le début de la saison 2 semblent tout défourailler). On craint cependant que le petit génie n'ait à pâtir des desideratas égocentriques de l'incontrôlable Tom Cruise, illuminé en totale roue libre depuis son mémorable pétage de plomb chez Oprah Winfrey. Et enfin, on salive devant les hallucinantes premières images de A Scanner Darkly, adaptation du génial roman de Philip K. Dick Substance Mort. Un film live entièrement "redessiné" par Richard Linklater, cinéaste à la filmo invraisemblable (Before Sunset, Rock Academy, The Newton Boys...) qui s'attaque ici à son projet-phare.

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