Familles je vous aime

La deuxième édition de la biennale Cinéduc propose une sélection (toujours aussi fournie !) de longs métrages regroupés autour du thème “La famille dans tous ses états“. Rencontre avec Monique Vuaillat, l’une des instigatrices de l’événement. Propos recueillis par François Cau

Petit Bulletin : Pouvez-vous commencer par nous rappeler la genèse de la biennale ?
Monique Vuaillat : Cinéduc est né en 2006 de la volonté d’une association (la Maison des enseignants et de l’éducation tout au long de la vie), et sur le constat qu’il n’existait pas en France de festival sur le thème de l’éducation au sens large - et qu’il y avait un beau paradoxe, parce que l’éducation est souvent au cœur des scénarii de grands cinéastes. On a donc pensé qu’il fallait œuvrer en ce sens, dans plusieurs optiques : contribuer à faire connaître un cinéma de qualité, et si possible en allant voir sur les divers continents ce qu’il s’y passait ; faire redécouvrir un patrimoine mais en même temps essayer de faire connaître des films inédits (ça a été accentué pour cette édition) ; et enfin, comme on ne se refait pas, on veut aussi valoriser les pratiques artistiques autour du cinéma dans l’éducation nationale. On est dans une région où paradoxalement il se passe assez peu de choses dans ce domaine-là, dans l’éducation nationale s’entend. On a ainsi renforcé pour cette deuxième édition un volet qui était déjà présent, associer les élèves et la programmation – c’est eux qui ont fait le programme des courts par exemple, en travaillant avec l’agence du court métrage pendant quatre semaines ; et puis renforcer des ateliers de pratiques artistiques autour du cinéma. On lie les deux choses : Cinéduc c’est bien du cinéma et en même temps de l’éducation.

Si on fait abstraction des études spécialisées, il y a effectivement peu d’enseignements relatifs au cinéma, hormis des initiatives individuelles d’enseignants…
Tout à fait, même si les choses ont un peu progressé avec la mise en place de dispositifs, où les plus jeunes participent à des séances, ce n’est pas non plus un objet d’enseignement à part entière. Et c’est un problème, surtout à un moment où les jeunes sont beaucoup plus confrontés à l’image. On s’attache à donner cette culture-là, une certaine distance aussi – ce n’est pas par hasard qu’on a choisi le thème de la famille. C’est un sujet traité de façon universel dans la plupart des films, et c’est un moyen de dire au plus grand nombre de venir, qu’il ne s’agit pas de films élitistes, ils peuvent tous vous toucher. Le programme a été conçu comme ça, sans oublier l’exigence de qualité.

Ce thème peut sembler très vaste et convenu, mais il se retrouve en butte à l’actualité cinématographique, qui de plus en plus montre des films où la famille, a priori le dernier rempart de salubrité sociale, est mise à mal…
C’est un autre aspect frappant à la vision des films : les histoires familiales y sont majoritairement d’une tristesse absolue, avec tout de même quelques exceptions comme La Famille Indienne par exemple. On a cherché quasi vainement des œuvres plus optimistes, mais le drame sourd toujours. Ça traduit une série d’interpellations sur le rôle et la place de la famille aujourd’hui dans la société, avec ses éclatements, ses difficultés, ses secrets. Le cinéma contemporain reflète cette explosion.

Quels ont été les changements apportés à cette deuxième édition ?
On a plus de films sous notre responsabilité, hors partenariat avec des structures (d’un grand secours par ailleurs) telles que le Méliès, le Théâtre de la Mure, le CCC ou la Cinémathèque – mais on est également plus nombreux. On a encore accentué l’accompagnement des films, avec des intervenants critiques, enseignants, des rencontres avec des réalisateurs comme Damien Oelhoffen pour son très beau film Nos Retrouvailles. Il y aura également un ciné concert avec François Raulin, autour de ses musiques de films préférées.

Dans l’intitulé même de la manifestation, il y a une volonté de réconcilier les publics avec les salles obscures ?
C’est un but affiché, oui. On espère sincèrement toucher un public qui ne va pas ou plus facilement au cinéma, avec une politique tarifaire adaptée.

Quel regard portez-vous sur le paysage cinématographique local ?
Je trouve que le cinéma se tue lui-même, que les distributeurs tuent le cinéma en imposant des rythmes de présence des films impossibles à suivre. Et on se retrouve avec des films de qualité qui restent moins d’une semaine à l’affiche, alors qu’il faudrait permettre à une œuvre de s’installer sur la durée. Quant à la programmation, l’offre se rétrécit également de plus en plus. C’est aussi l’une de nos fonctions : offrir une seconde chance à des films qui n’ont pas eu le temps ou même l’occasion de trouver leur public. À ce titre, on prend des risques financiers limités dans la mesure où notre objectif n’est pas commercial.
C’est un festival qui s’avère au final déficitaire, dans des proportions encore plus délicates qu’il y a deux ans. Déjà parce que le coût des copies, quand on n’est pas dans le réseau commercial, s’est considérablement élevé ; on commence à ressentir d’autre part les effets de réduction de budgets dévolus à la culture, du côté de la DRAC en particulier. Mais quelles que soient les difficultés, il faut que des associations comme la nôtre continuent coûte que coûte à s’engager dans des actions de ce type.

Cinéduc, 2e Biennale Cinéma & éducation du lun 4 au dim 17 fév, lieux divers. Site web

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