Phénomènes

Après le naufrage de «La Jeune fille de l’eau», Shyamalan était attendu au tournant ; «Phénomènes», malgré de nombreuses pistes passionnantes, montre que le cinéaste peine à trouver un second souffle. Christophe Chabert

Dans la première partie de Phénomènes, une séquence provoque le trouble chez le spectateur. Alors qu’un petit groupe d’habitants de Philadelphie quitte la ville et se retrouve en rase campagne, l’un d’entre eux reçoit sur son IPhone (le placement produit a encore frappé !) une vidéo où un homme s’aventure dans une fosse aux lions avant de se faire dévorer. Scénaristiquement, Shyamalan ne fait que répéter ce qui constitue le meilleur de son film : une série de visions saisissantes où des êtres humains se figent en pleine rue, puis décident de se suicider sans raison apparente. Mais la particularité de ce passage, c’est la grossièreté de ses effets spéciaux, les seuls de ce film d’horreur où le tour de force est de créer l’angoisse à partir d’une menace invisible, sinon impalpable. On croit d’abord que c’est un manque de moyens qui a poussé Shyamalan a bâcler cette image digne d’une série Z. Mais puisqu’elle arrive dans le récit par le biais d’une transmission virale sur téléphone portable, le doute se répand : et si le cinéaste cherchait à montrer la crédulité d’une poignée d’Américains paranos bernés par une vidéo bidon bricolée par des fanfarons ? Plus tard dans le film, une autre piste suggère que Shyamalan a vraiment envie de réfléchir cette psychose sécuritaire, quand les gentils du film sont dégommés comme des lapins par des rednecks barricadés dans leur maison. Si le mal du film est essentiellement écologique, on a l’impression qu’il n’est que le révélateur de pulsions beaucoup plus humaines.

Modestie ambiguë

Mais voilà : de cette piste passionnante, non seulement Shyamalan ne fera plus grand chose, la laissant en plan pour reprendre le cours particulièrement besogneux de son script. Mais, comme dans Le Village, ce commentaire n’en est pas vraiment un, tant le réalisateur prend soin de dire tout et son contraire, s’abstenant manifestement de froisser quiconque et choisissant une bien consensuelle morale en guise de conclusion. De plus, brillant metteur en scène quand il s’agit de marquer la rétine du spectateur, Shyamalan reste un piètre directeur d’acteurs. La jolie Zooey Deschanel paraît paumée du début à la fin, et même Wahlberg pédale dans la choucroute pour donner de l’épaisseur à son personnage ; depuis les prestations impassibles de Bruce Willis dans Sixième sens et Incassable, Shyamalan peine visiblement à se trouver un nouveau «modèle» capable de se fondre dans son décor. Les incohérences du scénario, le côté cheap de la réalisation (le film paraît à peine étalonné) affirment avec un peu trop de volontarisme le désir de revenir à une forme modeste proche de la série B, après les errements mégalos de La Jeune fille de l’eau. Modestie ambiguë toutefois, tant on ne sait jamais si Shyamalan peine à se renouveler ou creuse un peu plus un vrai regard sur le monde…

Phénomènes de M. Night Shyamalan (ÉU, 1h40) avec Mark Wahlberg, Zooey Deschanel…

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