«La base est là»

Événement / À l’occasion de la 31e édition du Festival du Court Métrage en Plein Air de Grenoble, petite conversation autour d’un drink en compagnie de Michel Warren et Jean Dorel de la Cinémathèque. Propos recueillis par François Cau

Petit Bulletin : Pour aller dans les grandes lignes, l’année écoulée a été a priori positive pour le cinéma français, avec les Oscars, la Palme d’Or et le box-office national au beau fixe. Mais on a également eu les interrogations légitimes du Club des 13, et la menace du retour d’une censure purement idéologique sur le cinéma de genre. Es-tu optimiste sur l’avenir de la création cinématographique française ?
Michel Warren : Pour moi, ça fait au moins cinq ans que la qualité du cinéma français s’améliore. Bon, je dis ça une fois, deux fois, on me croit encore, après on commence à dire que je suis fou, que je fais ma pub, mais je te promets que c’est vraiment ce que je pense. Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit, là, je te parle des films de la sélection du festival, qui sont, du moins c’est comme ça que je l’interprète, la base du cinéma de demain. Cette base de créativité, les initiatives des producteurs me font penser que s’il n’y a pas d’empêchements comme ceux que tu viens de citer, il y a tout ce qu’il faut. Au niveau technique, des décorateurs, des monteurs, des acteurs, de l’éclairage, tout est là. Il y a dans certains films de la sélection des plans où tu te dis “mais c’est génial, ça n’a jamais été fait”. Globalement, j’ai été surpris par les films proposés. J’en connais un ou deux que tu vas détester, et j’en connais probablement trois ou quatre que tu vas beaucoup aimer.Ce qui m’a surtout gêné dans la sélection de l’an dernier, c’est de voir qu’effectivement, on avait les moyens techniques, mais que ça s’arrêtait souvent là. On s’empare d’un sujet sans le traiter totalement.
Quand on se réunit pour le comité de sélection, particulièrement cette année, on a toujours l’un d’entre nous pour dire au bout de quelques minutes “Ah, ça c’est produit par France 2, ou par France 3, Canal + ou Arte”. C’est clair qu’il y a un prototypage, en particulier venant des chaînes de télé mais aussi des producteurs, faut non plus tout mettre sur le dos des chaînes. On a un formatage, où il faut que les choses soient comme ça, comme ça, comme ça. Et ça casse la création.Il y a un travers qui revient souvent, c’est une forme d’autocensure artistique. Je reste sur mon point de vue qui est que si tu fais un film, c’est que tu as quelque chose de fort à dire, du moins à exprimer de façon originale.
Ça découle de ce que je viens de dire. Mais ce sont des jeunes, ils ne peuvent pas tous faire des chefs-d’œuvre du premier coup. Même pas mort, le Grand Prix de l’année dernière, par exemple, il est assez stéréotypé, il est conçu dans le sens du poil. J’assume, puisqu’on l’a sélectionné, mais je ne lui aurais pas remis cette récompense. Mais je suis d’accord avec toi, il y en a plein qui n’ont rien à dire, je le sais. Mais ceci dit, tous les ans, on retrouve des thématiques récurrentes, avec cette année un nombre important de films tournant autour de ce que j’appellerais la surconsommation. Quelques films traitent vraiment ce sujet, on a des créateurs qui ont des choses à dire. Ils le disent peut-être maladroitement parce que c’est un premier film, ou qu’ils n’ont que 20 minutes, mais à mon avis, encore une fois, il y a toute la base pour sauver le cinéma français. Après, il reste tous ces barrages : les télés, les producteurs, l’autocensure…
Jean Dorel : Et l’influence des régions, de plus en plus.
Michel Warren : Oui, ça devient catastrophique, ça devrait être interdit, ça.
Jean Dorel : Les films de la sélection sont pratiquement tous produits par des régions. Si tu films dans la région Poitou-Charentes, par exemple…… Il faut un plan de Ségolène Royal.
Jean Dorel : C’est un peu ça. Un des meilleurs films qu’on passe cette année est produit par la région Poitou-Charentes, il a réussi à ne montrer que quelques plans de la ville, il s’en fout, mais il y en d’autres…
Michel Warren : Le problème n’est pas vraiment lié au cinéma, mais est d’ordre plus général. C’est l’un des côtés pervers de la décentralisation. Ce n’est pas tant la question des compétences des gens en région, c’est que le système en place favorise la médiocrité.
Jean Dorel : Beaucoup de producteurs mettent des billes en sachant déjà que ça pourrait être produit par une région, donc ils se tournent surtout vers des œuvres à faible impact, qui survolent les sujets pour ne pas poser trop de soucis. Les sections parallèles du festival sont axées vers l’exaltation du fantasme d’un cinéma français cinématographiquement innovant, de bouleversements esthétiques dans l’animation, le docu, la fiction ou même l’érotisme qui ne se pratiquent plus trop aujourd’hui…
Michel Warren : Mais c’est pour ça qu’on les montre ! Et c’est pour ça que je continue à dire que le festival de Grenoble est important, pour ces confrontations, par le fait qu’on booste les gens, qu’on projette leurs films en plein air devant 1000 personnes… Pour moi c’est indispensable. 31e Festival du Court Métrage en Plein Air de Grenoble
Jusqu’au 12 juillet,
à la Salle Juliet Berto et Place Saint André

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