Du cinéma à l'envers

Rétro / Si Benjamin Button remonte physiquement le temps dans le film de David Fincher, c’est par les capacités nouvelles du cinéma numérique que ce prodige s’effectue. Mais le film est aussi conçu comme un jeu d’allers-retours entre le présent et le passé, de 2002 à 1918. Art de la manipulation du temps et de l’espace, le cinéma a ces dernières années compris les vertus novatrices de ce processus qui consiste à raconter les choses à l’envers. Dans 5X2, François Ozon disséquait le délitement d’un couple en cinq blocs allant de sa rupture à sa rencontre. Plus hardcore, Gaspar Noé avec Irréversible renversait le rapport bourreau/victime en commençant par la vengeance pour remonter vers le viol et enfin aboutir au paradis perdu d’avant le drame. Tout cela se passait dans l’espace d’une soirée en quasi-temps réel. Mais quelques années auparavant, le brillant cinéaste sud-coréen Lee Chang Dong avait utilisé un procédé similaire pour raconter le destin tragique d’un adolescent ordinaire dont la vie sera bouleversée par sa propension au ratage. Le personnage se faisait ainsi le miroir des traumas de la Corée du Sud, nation fracturée en deux dont l’Histoire s’est mal écrite depuis ce temps zéro. Gros tricoteur de fils temporels, Christopher Nolan aime à paumer le spectateur dans d’incessantes ruptures passé/présent/futur. Avec Memento, il avait réalisé le parfait prototype de ce cinéma à l’envers, judicieusement adapté à son sujet : un homme souffre d’amnésie immédiate, ne pouvant fixer les événements au-delà de cinq minutes (le temps d’une séquence). Du coup, le spectateur, comme le personnage, doit ramer à contre-courant pour savoir qui il est vraiment ; qui sont ces gens qui gravitent autour de lui ; et surtout, si on lui veut du bien ou si on utilise son infirmité pour assouvir d’obscurs desseins. Arrivée au bout de sa scène primitive, le film peut repartir dans le bon sens, boucle infernale aux significations multiples.
CC

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