Briseurs de mythe

Les deux films à l’affiche du vingtième Cinéma de Quartier made in Théâtre 145 revisitent à leur très personnelle façon deux légendes du fantastique. FC

Ce n’est pas le bancal Wolfman qui nous aura prouvé le contraire : la figure du loup-garou est l’une des plus périlleuses du cinéma fantastique. Neil Jordan, en s’accaparant les nouvelles d’Angela Carter, choisit d’ausculter les résonances symboliques de la lycanthropie - La Compagnie des Loups s’imposant même comme une psychanalyse du conte de fée que Bruno Bettelheim aurait sûrement goûté. Joueur, le réalisateur multiplie les niveaux de réalité, les points de vue, enferme ses personnages dans des décors de carton-pâte, prêts à voler en éclats sous la tension de toutes ces histoires s’enchaînant les unes aux autres avec malice. Pour peu qu’on se laisse prendre au charme d’effets désuets, de ralentis un brin pompeux mais participant d’une atmosphère gothique sympa comme tout, La Compagnie des Loups conserve son aura gentiment sulfureuse et audacieuse dans son propos. Puis Stephen Rea torse nu et Angela Lansbury en mère-grand du petit Chaperon Rouge, faut avouer qu’on ne voit pas ça tous les jours. It’s alive
La démarche de Frank Henenlotter, quand il s’attaque au mythe de Frankenstein, est beaucoup plus frontale. Ce modeste artisan du système D, indépendant farouche, partisan radical d’un cinéma d’auteur trash et jouissif dans ses épanchements vulgos, livrait en 1989 son film le plus fauché, sans limiter pour autant ses velléités punk qui vont si bien au teint de ses films. Frankenhooker ne conserve qu’une maigre poignée d’éléments du roman original de Mary Shelley pour créer sa propre digression sur le thème du monstre se découvrant une âme : un scientifique “reconstitue“ sa fiancée disparue à partir de bouts de prostituées qu’il aura fait exploser par mégarde. Ce résumé ne rend à peine compte de la folie animant le long-métrage, de son ton résolument barjo, de sa provocation généreusement dosée. Porté par des acteurs génialement nuls, passé à la postérité chez les amateurs de bis pour sa version française d’époque superbement abominable (avec son inoubliable «Alors beauté ravageuse, ça biche dans tes baskets ?»), Frankenhooker fera crier de dégoût les défenseurs d’une certaine idée du bon goût, et c’est surtout pour ça qu’on l’aime. On conseillera d’ailleurs aux aficionados la vision du dernier rejeton d’Henenlotter sorti récemment en DVD, l’hallucinant Bad Biology (Sex addict en français), qui fait mentir la maxime “des films comme ça, on n’en fait plus“. Cinéma de quartier #20
Lundi 15 mars à 19h et 21h, au Théâtre 145

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