Etaix en pente douce

Au sortir d’une bataille juridique acharnée et d’un minutieux travail de restauration, l’œuvre intégrale de Pierre Etaix est enfin visible en salles ce mercredi. François Cau

La filmographie de Pierre Etaix compte cinq longs-métrages et trois courts. D’après leurs plus fervents admirateurs (dont Woody Allen !), les œuvres de cet ancien assistant / gagman de Jacques Tati constitueraient une pierre angulaire de notre patrimoine cinématographique, le chaînon manquant entre Harold Lloyd et le réalisateur des Vacances de Monsieur Hulot, et un regard précieux sur les changements de mœurs de la France des années 60. Jusqu’ici, on ne pouvait se reposer que sur la légende : depuis vingt ans, au gré d’un processus de dépossession de ses droits auquel leur auteur a malheureusement contribué sans en mesurer les conséquences, les films de Pierre Etaix ne sont plus visibles depuis vingt ans – privés de toute exploitation et d’entretien, les négatifs amorçaient ainsi leur lente décrépitude, et l’on pensait l’œuvre condamnée à l’oubli. Mais la persévérance l’a remporté sur la malédiction : au terme d’années de pinaillages juridiques, se soldant par la rédaction d’un contrat de 1000 pages (sic), la restauration et la ressortie de l’intégrale sont ainsi enclenchées, dans «une atmosphère extrêmement joyeuse» (re-sic) dixit le distributeur Carlotta. Nous nous sommes tant aimésMaintenant que le sort a arrêté de faire sa pupute, qu’en est-il réellement de ces trésors excavés ? Sont-ils à la hauteur de leur renommée, ou leur valeur a-t-elle été gonflée par l’injustice dont ils furent victimes ? De notre côté, on ne peut que s’appuyer sur la vision du Grand Amour (1969), premier long en couleurs de Pierre Etaix. Ce dernier revêt sa défroque d’Auguste, un clown triste, coincé dans un mariage sans saveurs, qui redécouvre les joies de l’amour en fantasmant sur sa secrétaire. On attendra de découvrir le reste de sa filmographie pour crier au génie, mais il est clair que Le Grand Amour parvient sans forcer à dépasser le statut d’objet au charme suranné, pour imposer une vision au vitriol des relations de couple dans leurs inévitables résonances sociales. Doté d’une mise en scène audacieuse, d’une science surprenante du cadre “parfait“ pour capter l’irruption comique, Le Grand Amour fait preuve d’une liberté de ton toujours aussi rafraîchissante, dont la douceur permanente n’atténue pas la lucide cruauté. Le genre de film qui, beaucoup plus que n’importe quelle gesticulation de Dany Boon, parvient à réconcilier les termes “auteur“ et “comique“. Le grand amourDe et avec Pierre Etaix (1969, Fr, 1h27) avec Annie Fratellini, Nicole Calfan…Sortie le 7 juillet, dans le cadre de la rétrospective Pierre Etaix

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