Toy story 3

C’est une habitude dont on ne se lasse pas : Pixar domine cette année encore les débats en matière de divertissement intelligent, avec ce troisième volet des aventures de Woody et Buzz l’éclair qui propose une allégorie enlevée sur le temps qui passe. Christophe Chabert

Dix ans ont passé depuis le deuxième "Toy story". Les studios Pixar ne cherchent pas à cacher cette longue absence : ils en font le point de départ du troisième volet. Andy n’est plus un gamin, c’est un adolescent qui s’apprête à quitter le domicile familial pour aller à la fac. Que va-t-il faire de ses jouets, déjà réduits à s’inventer des films d’action improbables au fond d’une malle en osier ? Au grenier, à la poubelle ou dans une garderie voisine ? Le temps a passé et "Toy story" en fait donc son enjeu souterrain. La vieillesse, qui était déjà le sujet de "Là-haut", est ici traitée sur un mode plus allégorique que mélancolique. Pour Woody, Buzz l’éclair et leurs copains, il ne s’agit pas de rester jeunes, mais de gérer cette éternelle jeunesse en se trouvant un territoire plus accueillant. Ce sera donc Sunnyside, une garderie qui fait d’abord figure de paradis, avant de révéler un piège terrible en forme d’enfer carcéral, les jouets s’y étant organisés en castes, avec ses dominants et ses dominés.

Le shérif est en prison

Pixar nous a habitué au fil des années à ces multiples et passionnants niveaux de lectures ; mais on ne pensait pas que la série des "Toy story" irait creuser dans des directions aussi surprenantes. L’arrivée dans le récit de l’ours Lotso, grosse peluche rose parfumée à la fraise mais véritable parrain de la garderie, est une des idées fortes du film. Il représente l’aigreur qui s’empare des jouets confrontés à l’enfance perdue de leur propriétaire —un clown au rictus sinistre en offre une autre version. "Toy story 3" emprunte avec lui des chemins inquiétants, débouchant sur des ambiances cauchemardesques qui contrastent avec l’enthousiasme coloré des volets précédents. Ces visions effrayantes convergent vers la grande scène de la décharge où les jouets passent à deux doigts de l’étouffement, du démembrement et de la crémation, comme s’ils traversaient les cercles de "L’Enfer" de Dante. Le film multiplie ainsi les références culturelles, y compris les plus inattendues dans un film pour enfants : Mr Patate doit se transformer en toile de Salvador Dali (à base de tortilla !) pour s’échapper de la garderie ; Barbie se lance dans un grand laïus sur la démocratie contre le totalitarisme ; et, parmi la myriade de nouveaux jouets dans les plans, on croise, ravis, le Totoro de Miyazaki ! Là est l’honneur des productions Pixar : leur profonde estime des spectateurs, leur désir de tirer le divertissement vers le haut par une alliance de magie technique et d’intelligence absolue.

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