L'accordeur de tremblements de terre

Le Centre Culturel Cinématographique, dans le cadre de son cycle Vous avez dit bizarre ?, nous invite à la projection de ce poème visuel à la splendeur envoûtante. On dit «Merci le CCC». FC

Stephen et Timothy Quay, jumeaux parfaits, de nationalité américaine mais au style fortement influencé par les cinématographies européennes, sont devenus au fil de leurs multiples expériences des pointures de l’animation au niveau international. Impressionnés dès leurs années de formation par le travail du tchèque Jan Svankmajer, par des auteurs de l’absurde ou l’ésotérisme, les frères Quay ont développé leur propre univers, passant du collage aux marionnettes en s’autorisant des détours par le documentaire ou l’animation pure et dure – tout en cultivant leur singularité de ton, toujours empreint d’une noirceur poétique, étrange et immatérielle, vecteur d’émotions complexes car souvent contradictoires. Vu la spécificité de leur démarche, leurs œuvres cinématographiques sont majoritairement des formats courts, des courts-métrages ou parfois des clips (le plus connu étant le Sledgehammer de Peter Gabriel, le plus beau Black soul choir de 16 horsepower), avec au passage de remarquées contributions aux arts plastiques (pour la Tate Modern ou le British Museum) ou au spectacle vivant. Passés au long avec le très atypique Institut Benjamenta, ils attendront une dizaine d’années avant de recommencer l’expérience, sous la prestigieuse tutelle de Terry Gilliam.Les poupées rusent
L’ancien Monty Python, lui aussi animateur pour ses contributions au sein du fameux gang comique britannique, est fan des frères Quay depuis la vision de leur court-métrage (il est vrai fabuleux) de 1986, Street of crocodiles. C’est donc tout naturellement qu’il les enjoint à réaliser un deuxième long-métrage, une libre adaptation de L’Invention de Morel d’Adolfo Bioy. Un accordeur de piano est engagé par un mystérieux neurologue pour prendre soin de ses automates, et découvre qu’une cantatrice morte-vivante, enlevée par le docteur, va se retrouver au cœur d’un opéra diabolique… Sur cette trame bien barrée, les frères Quay déploient tout leur imaginaire, mêlent acteurs et marionnettes dans un tout effroyablement cohérent, avec un lyrisme qui perçait occasionnellement dans leurs films précédents, mais qui irradie ici dans des plans tous plus sublimes les uns que les autres. Bien sûr, il faut accepter de se laisser porter par leur imaginaire, un rien compassé aux entournures, mais le voyage en vaut vraiment la peine. L’accordeur de tremblements de terre
De Stephen et Timothy Quay (2005, Fr/GB/All, 1h39) avec Amira Casar, Gottfried John…
Mercredi 30 mars à 20h, à la Salle Juliet Berto

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