D'où viens-tu, Nicolas Winding Refn ?

Filmographie / Non seulement il y a eu une vie avant Drive pour le réalisateur danois, mais elle fut riche en uppercuts cinématographiques. François Cau

Pusher (1996)
La descente aux enfers d’un dealer accumulant les mauvais coups du sort. Un premier film sec comme un coup de trique, qui bringuebale son spectateur entre une esthétique cousine du Mean Streets de Scorsese et des dialogues à la Tarantino. Le réalisateur, caméra à l’épaule, y teste quelques-uns de ses gimmicks de mise en scène (présentation iconique des personnages, travail sur la texture sonore, éclairages fluos stridents dans la dernière partie…).

Bleeder (1999)
Winding Refn reprend le casting de Pusher pour cette variation en mode mineur, dont le décor principal (un vidéoclub) lui permet de citer tous ses cinéastes préférés dans une amusante scène d’intro en forme de grand déballage. Scandé par des fondus filtrés en rouge, le film exprime de façon crue les doutes existentiels de son auteur, comme son besoin viscéral de faire du cinéma. Le tout d’une manière encore plus désespérée que Pusher, en une catharsis hardcore de ses trouilles d’homme, de mari, de futur père.

Inside job (2003)
Un vigile (John Turturro, incroyable) enquête sur le meurtre “accidentel“ de son épouse lors d’une fusillade. Coécrit avec Hubert Selby Jr, cette première incursion aux Etats-Unis se fait sur le mode du thriller expérimental, assorti d’un énorme travail sur la bande-son. Un singulier objet, taiseux, contemplatif, doté de fulgurances visuelles lorgnant parfois du côté de Kubrick. Un film passionnant, mais trop radical pour drainer le public nécessaire au retour sur investissement…

Pusher 2 (2004)
Arnaqué par son coproducteur américain, ruiné et criblé de dettes, un Nicolas Winding Refn au fond du gouffre tente le tout pour le tout : décrocher la timbale en tournant consécutivement deux suites à son plus grand succès. Dans ce deuxième volet, le meilleur de la trilogie, l’identification du cinéaste à son antihéros est aussi manifeste que douloureuse : Tonny (campé par son acteur fétiche, l’excellent Mads Mikkelsen) persiste à s’enfoncer dans son marasme, et se fait systématiquement dénigrer par tout son entourage alors qu’il ne demande qu’à faire ses preuves. Et comme Tonny, le réalisateur sort de sa spirale par le haut, en recouvrant sa dignité par la force.

Pusher 3 (2005)
Centrée sur le personnage de Milo, gangster serbe en simili rédemption, la fin de la trilogie se cale sur le caractère de son personnage principal : truculente puis menaçante quelques secondes plus tard, baignée dans la sourde tension du junkie en manque. La demi-heure finale, sommet d’humour noir des plus glaçants, sonne comme une remise à plat définitive dans la filmographie de l’auteur ; un véritable nettoyage par le vide, dont l’aspect caustique ne se pare d’aucune ironie – la façon dont Winding Refn boucle la thématique familiale, matrice de la série, est à ce titre édifiante.

Bronson (2008)
Un travail de commande, le portrait de Michael Peterson alias Charles Bronson, le détenu le plus violent et le plus dangereux de Grande-Bretagne. Le cinéaste reprend le scénario de fond en comble, pour livrer sa propre interprétation du personnage (campé par un tétanisant Tom Hardy). Marabout de ficelle cinématographique à la mise en scène virtuose, sublimation de toutes les expérimentations visuelles menées jusque-là par Winding Refn, Bronson n’est pas, comme l’a prétendu la presse, le nouvel Orange Mécanique. C’est un objet unique, avec certes quelques réminiscences kubrickiennes, mais porteur d’une façon inédite d’aborder l’exercice biographique.

Le Guerrier silencieux – Valhalla rising (2009)
Un esclave borgne, muet et doté d’une force phénoménale, s’affranchit avec violence avant d’embarquer à bord d’un vaisseau viking vers une terre inconnue. Lorgnant vers l’épure rugueuse d’un Tarkovski, Nicolas Winding Refn s’est également inspiré, dans sa façon de tourner, des méthodes du Werner Herzog des années 70, s’imprégnant de son environnement hostile pour construire son récit au fur et à mesure, de façon instinctive. En résulte son film le plus arty, d’une lenteur souvent rédhibitoire, mais dont la richesse tant formelle que théorique peut fasciner.

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