Contagion

Un virus mortel se répand sur la surface de la planète, provoquant paranoïa, actes de bravoure et moments de lâcheté. Dans une mise en scène à l’objectivité scrupuleuse, Steven Soderbergh signe un thriller inquiétant et implacable. Christophe Chabert

Contagion commence au «jour 2» de la maladie, par une scène anodine. Une executive woman de retour d’Asie prend un verre dans un aéroport avant de retrouver le foyer familial. Elle est le patient zéro d’un nouveau virus, fulgurant et mortel, et elle l’a déjà répandu à Hong-Kong, en Chine, à Chicago… Steven Soderbergh ne cache rien du désastre à venir : en quelques inserts sur des poignées de portes, des cacahuètes, un verre, il isole déjà tous les vecteurs de la contagion. Et rajoute un détail troublant : la jeune femme est aussi adultère. On craint un temps la concomitance des deux événements : le virus comme une expiation de cette «faute». Fausse piste : dans Contagion, tous les dogmes sont mis à mal par la panique qui s’empare des populations. Pour faire ressentir cette panique, il fallait un vrai coup de force narratif : le patient zéro, pourtant interprété par une actrice célèbre, décède dans les dix premières minutes. Le spectateur sait alors que rien ne viendra le rassurer et sûrement pas les grands principes hollywoodiens. Tous les personnages, à tout moment, peuvent y passer.

Un film de peur(s)

Fort de cette angoisse-là, Soderbergh peut alors promener son récit à travers les enjeux complexes que le virus fait naître. L’éclosion d’une théorie du complot qui se répand sur internet, la différence de traitement entre pays riches et pays pauvres, l’implication ambivalente des laboratoires dans la fabrication d’un vaccin… À chacun de ses thèmes répond un personnage que le cinéaste ne cherche jamais à rendre exemplaire. Ainsi du blogueur joué par Jude Law, qui ajoute de la panique à la panique par ses allégations paranoïaques, mais soulève aussi des questions pertinentes. L’intégrité sans faille du projet, son pessimisme fondamental trouve dans la mise en scène un relais naturel. Les images du film ont elles aussi l’air malades, baignant dans une lumière glaciale, avec des mouvements d’appareil aussi mécaniques que ceux des caméras de surveillance et une production design captant le réalisme terne des situations. Soderbergh cherche une objectivité absolue dans sa réalisation ; seul le montage et la musique technoïde de Cliff Martinez impulsent un rythme de thriller à un film refusant constamment le spectacle pour le spectacle. En cela, il invente un cinéma au diapason du monde contemporain, de sa rapidité et de son inquiétude.

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