City of life and death

Repêché in extremis sur grand écran par la Cinémathèque, voici venir l’un des films parmi les plus puissants de 2010. Attention, choc esthétique et moral à prévoir. François Cau

Si l’insouciance ensoleillée vous pèse, que la bonne humeur congénitale de votre entourage vous énerve, que vous brûlez d’alimenter votre désespoir du genre humain, n’hésitez plus, foncez voir le nouveau film de Lu Chuan. City of life and death relate, en 1937, la prise de la capitale chinoise Nankin par les japonais, le siège et le massacre qui s’ensuivirent. Sujet doublement tabou, qui aura valu à son réalisateur quatre années de négociation avec la censure chinoise pour valider le scénario : d’une part, le Japon n’a toujours pas reconnu la responsabilité dudit massacre, et sa seule évocation charrie son lot d’incidents diplomatiques. Et d’un autre côté, le traumatisme du viol de Nankin (tel qu’il est appelé par les historiens) est toujours aussi vibrant dans l’inconscient collectif chinois, et épouser le point de vue compatissant d’un militaire nippon, comme le fait Lu Chuan, équivaut pour certains à une trahison nationale – le cinéaste a arrêté de compter les menaces de mort depuis la sortie du film… Mais City of life and death n’est pas que le récit en creux du courage de son auteur, c’est avant tout un coup de boule cinématographique à la puissance incroyable.

Horreur de l’humanité, et vice-versa

Dans un noir et blanc somptueux, le film démarre par un échange guerrier d’une violence saisissante. La reddition chinoise aux troupes japonaises n’apportera qu’une faible respiration à une narration déjà étouffante : dans les premiers massacres de prisonniers, Lu Chuan fait disparaître le soldat auquel, dans le chaos ambiant, le spectateur cherchait désespérément à s’identifier. Un tour pendable suivi d’une accumulation d’horreurs toutes plus choquantes les unes que les autres, vouées non pas à souligner la cruauté nippone face à la pureté chinoise, comme on a pu le lire à propos du film, mais à démontrer l’impact irréversible des machines guerrières et militaires, à questionner notre humanité comme nos pulsions de vie dans les situations les plus extrêmes. La multiplication des points de vue accentue la force de ce propos tout au long du film, détourne la putasserie un temps redoutée pour transformer cette œuvre profondément éprouvante en un cri de rage d’une ampleur insensée. On peut discutailler pour savoir si City of life and death est un chef-d’œuvre définitif, on s’accordera néanmoins sur une évidence : dans le paysage artistiquement dévasté de la Chine contemporaine, Lu Chuan est l’un des derniers auteurs encore debout.

City of life and death
de Lu Chuan (Chine, 2h15) avec Liu Ye, Yuanyuan Gao…

 

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