Désirs de cinéma

Onzième édition pour Vues d’en face, le festival international du film gay et lesbien qui, chaque année, investit le cinéma le Club. Un évènement incontournable de la vie culturelle grenobloise, qui permet de découvrir une frange souterraine du cinéma contemporain. À découvrir du 13 au 21 avril. La rédaction

Si l’ambition de Vues d’en face est aussi militante (surtout en cette période électorale où certains politiciens ne sont jamais à court d’arguments ubuesques – exemple : un président-candidat expliquant sans sourciller s’opposer au mariage pour tous dans le but de ne pas « sacrifier notre identité à la mode du moment »), l’idée est avant tout de défendre un certain cinéma préoccupé par la question (très large) de l’homosexualité et de ses représentations. Et si évidemment, ce genre d’évènement fait la part belle aux œuvres se contentant simplement de présenter des personnes de même sexe en train de s’aimer (comme les traditionnelles sucreries avec mecs torse nu, dont l’intérêt cinématographique est souvent très limité), on peut aussi trouver, nichées dans la programmation, quelques excellentes surprises : des films trop atypiques pour les circuits de distribution classiques, venus souvent de pays peu (voire pas du tout) représentés dans les salles françaises. Des prises de risque esthétiques ou thématiques, qui donnent toute sa force à Vues d’en face. Gros plan donc sur certains des longs-métrages qui, selon nous, feront cette édition 2012. Avec aussi un zoom sur la pièce Edouard II, par la Troupe du Levant, qui démontre une fois de plus que l’amour entre personnes du même sexe n’est pas qu’une mode du moment ! Aurélien Martinez

Coup de cœur

Octogénaire incapable de quitter son domicile lorsque l’ascenseur tombe en panne – tout ça à cause de sa foutue hanche –, Isadora mène une vie paisible avec Enrique, son compagnon aimant et dévoué. Tout le début du long-métrage des Chiliens Sebastián Silva et Pedro Peirano s’intéresse à ce couple et leur appréhension du temps qui passe, à l’image de leurs deux vieux chats errant dans ce grand appartement. Un calme troublant qui volera en éclats quand apparaîtra Rosario, la fille d’Isadora, et sa compagne bien décidée à se faire appeler Hugo. Deux tornades qui ont en tête de déloger la vieille dame pour récupérer l’appartement et financer une entreprise d’importation de savonnettes du Machu Picchu. Le basculement opéré par cette arrivée place le film sur une autre pente : celle de l’affrontement larvé mais inéluctable entre une mère et sa fille incapables de s’entendre. Et c’est justement quand ce huis clos à quatre se transformera en face-à-face, avec le départ d’Enrique et d’Hugo, que la situation implosera littéralement dans une longue séquence à la force cinématographique et poétique puissante. Les Vieux chats est ainsi une œuvre brute et intense, portée par un quatuor d’acteurs enlevés, dont Belgica Castro, grande actrice de théâtre chez qui le tournage s’est déroulé. AM


Les Vieux chats, de Sebastián Silva et Pedro Peirano. Samedi 21 avril à 19h (avant-première, la sortie nationale étant prévue le 25 avril).

Putes et insoumises

Version queer du Tournée de Mathieu Amalric, Too much pussy ! s’intéresse aux filles du Queer X Show (un sp ectacle entre burlesque et pornographie) bien décidées à défendre un féminisme tranchant où les femmes assument pleinement leur corps, même les par ties les plus reculées – comme cette scène où une performeuse utilise un spéculum vaginal pour dévoiler son col de l’utérus, et ainsi démystifier l’appareil génital féminin. Un film-documentaire cru et frontal, qui met en lumière de manière détournée et subjective tout un pan de la pensée queer. Une porte d’entrée joyeuse et brouillonne vers un féminisme promoteur de l’étude des genres, courant de pensée qui déconstruit notre modèle sociétal cloisonné entre homme et femme, où chacun a des rôles et des fonctions bien assignés. Ça fait du bien. AM


Too much pussy !, d’Émilie Jouvet. Samedi 14 avril à 21h30.

La vie moderne

Derrière ses allures de documentaire sur les jeunes agriculteurs allemands, La Clé des champs cache un film contemplatif à l’extrême, tout entier tendu vers l’observation rapprochée de la naissance d’une idylle. Parmi les apprentis en formation, Marko ne s’intègre guère, taciturne, efficace mais peu motivé, et manifestement traumatisé par une enfance difficile. Arrive Jacob, ses désirs de liberté et d’évasion. Leur lent – mais naturel – rapprochement permet quelques jolies scènes, dans la nature ou en ville. Peu importe le décor, le magnétisme entre les deux relève de l’évidence et rend cette histoire légèrement commune à la fois crédible et touchante. Laetitia Giry
La Clé des champs, de Benjamin Cantu. Mardi 17 à 22h.

Quand Juliette devient Roméo

Romeos Par la petite lucarne au milieu de l’écran, un jeune homme exhibe fièrement ce qu’il désigne comme étant une seringue de testostérone. La première image de Romeos présente le personnage principal par une vidéo postée sur internet – planche de salut et terrain de réconfort facilitant le partage d’expériences. Lukas n’a pas toujours porté ce prénom masculin, il est en pleine période de transformation : après son opération, sa poitrine aura disparu et son genre sera en adéquation avec sa personne et non avec celui donné par la nature. Plongée dans la jeunesse – surtout homosexuelle et noctambule – de la ville de Cologne, le film avance à pas vifs et regarde avec empathie la difficulté de s’assumer quand la différence est trop pesante, écrasant au passage quelques a priori et célébrant la nécessité de la confiance en l’autre pour l’acceptation de soi. LG
Romeos, de Sabine Bernardi. Mercredi 18 à 20h.

Jeux d’amour et de pouvoir

Et si François Hollande avait utilisé Ségolène Royal simplement pour masquer ses pulsions homosexuelles ? Pulsions qu’une rencontre avec Frédéric Lefebvre lui révélerait au grand jour… Politique fiction, bonjour ! Four more years dépeint ainsi une romance fusionnelle entre deux ennemis politiques en Suède. Si le schéma narratif n’a rien d’exceptionnel, et si la réalisation ne brille pas par ses partis pris, le fait que ce jeu amoureux soit porté par deux comédiens aux physiques très banals, et qu’il se déroule dans un milieu pas du tout gay-friendly (et misogyne au passage, comme l’on s’en rend compte encore durant cette campagne présidentielle), suffit pour sauver ce Four more years des oubliettes dans lequel il aurait pu vite sombrer. AM
Four more years, de Tova Magnusson. Samedi 14 à 19h.

Ah... James Franco!

Les auteurs de l’indispensable documentaire The Celluloid Closet (sur les évolutions de la représentation de l’homosexualité à Hollywood) se lancent dans la fiction. Enfin pas tout à fait, puisque le matériau de départ de leur nouveau film est réel - la controverse dont fut victime l’auteur de la beat generation Allen Ginsberg pour la publication de son poème Howl. Pour décrire cet instant clé de la carrière de l’auteur, les deux cinéastes favorisent l’interprétation à l’illustration et mélangent gaillardement reconstitution du procès, interviews imaginaires et figurations animées d’un poème décliné sous toutes les coutures et sans cesse réinventé. Un tour de force qui peut fasciner ou agacer selon son humeur, mais dont il faut au moins reconnaître l’audace de la mise en scène et du traitement, comme la superbe incarnation de l’artiste par le non moins superbe James Franco. François Cau


Howl, de Rob Epstein et Jeffrey Friedman. Vendredi 13 à 20h (soirée d'ouverture)

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