Eastern boys

Eastern Boys
De Robin Campillo (Fr, 2h08) avec Olivier Rabourdin, Kirill Emelyanov...

Évitant les clichés et s’aventurant vers le thriller, Robin Campillo raconte dans un film fort et troublant les rapports d’amour et de domination entre un quadra bourgeois et un immigré ukrainien sous la coupe d’une bande violente. Christophe Chabert

La première demi-heure d’Eastern boys fait un peu peur. Après avoir dragué dans une gare Marek, un jeune et bel Ukrainien, en lui proposant contre rémunération de le rejoindre dans son grand appartement de la région parisienne, Daniel, gay quadra étouffé dans sa morgue bourgeoise, voit en fait débarquer toute sa bande qui va piller consciencieusement meubles, écran plat, Playstation et œuvres d’art. La scène, étirée jusqu’au malaise, pourrait passer pour un spot de pub en faveur du FN sur le mode du "méfiez-vous de ces hordes d’immigrés prêts à voler vos biens et violer votre propriété privée". Mais Robin Campillo, qui avait déjà réussi avec son premier long Les Revenants (matrice de la fameuse série) et ses scénarios pour Laurent Cantet à explorer des zones troubles de la société française contemporaine, a un dessein beaucoup plus dérangeant.

Le marché de dupe initial – du sexe contre de l’argent – va se concrétiser quand Marek revient, seul cette fois, chez lui : une relation de dépendance mutuelle se noue entre eux, Daniel fixant règles et tarifs, Marek conservant un pied dans sa "famille" à qui il cache ses activités de prostitué. Cette relation reflète celle de l’Europe avec ses "satellites", à la fois source d’une main-d’œuvre bon marché et menace sourde pour son propre confort. Pour Daniel, un gigolo ukrainien ou une femme de ménage, c’est la même chose : la solution la plus simple et la moins coûteuse pour mettre de l’ordre dans sa vie et ses désirs.

À l’Est des dermes

Film gigogne, Eastern boys ne se laisse toutefois pas réduire à sa portée politique, aussi forte soit-elle. Campillo va emmener le récit sur des chemins plus inattendus, au gré de chapitres aux titres mystérieux, notamment une deuxième moitié qui ose le suspens, puisque Daniel pousse Marek à rompre les attaches avec sa bande, et notamment son chef inquiétant et violent.

Dans une structure qui rappelle certains scénarios de Schrader – sans l’apogée cathartique, petite déception finale –, le film prend des accents de thriller tendu et prenant, bousculant les habitudes tranquilles du naturalisme français. Dans cette assez épatante dernière partie, Campillo n’en oublie toutefois pas de densifier sa dialectique du maître et de l’esclave amoureux, notamment lorsque Daniel, ayant essoré son désir pour Marek, le contraint de troquer sa place d’amant contre celle de fils adopté. Comme en d’obscurs temps féodaux, c’est le riche qui décide du sort du pauvre, celui-ci ne pouvant que le remercier humblement de sa magnanimité.

Eastern boys
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