Mange tes morts

Mange tes morts
De Jean-Charles Hue (Fr, 1h34) avec Jason François, Michaël Dauber, Frédéric Dorkel...

Après "La BM du Seigneur", Jean-Charles Hue se replonge dans la communauté gitane, mais transcende son docu-fiction en l’emmenant en douceur vers le meilleur des polars, réinventant sans tapage une forme de mythologie populaire bien française. Christophe Chabert

Ils vivent dans des caravanes sur des terrains vagues, parlent un argot bien à eux, possèdent leurs propres rites et leur propre code d’honneur : bienvenue dans la communauté des gens du voyage qu’on appellera, foin de périphrases, les gitans. Et bienvenue dans la famille Dorkel où le fils, Jason, s’apprête à faire son baptême chrétien ; mais quand son frangin revient après quelques années passées au placard, le jeune garçon est écartelé entre suivre son (mauvais) exemple et se conformer aux préceptes religieux qu’on lui inculque.

Mange tes morts (tu ne diras point) dit le titre intégral de ce nouveau film de Jean-Charles Hue, repéré grâce à une première incursion en terre gitane avec La BM du Seigneur. D’un côté l’insulte suprême, de l’autre le pastiche du commandement chrétien ; soit quelque part entre le trivial et le sublime, mais aussi entre le réel et son commentaire par la fiction. On pense d’abord bien connaître le protocole avec lequel Hue filme ses personnages : au plus près de ce qu’ils sont, de leur langage, de leurs corps massifs, tatoués, burinés ; mais aussi avec suffisamment de mise en scène pour faire comprendre que ce sont les héros d’un film qui suit des canons scénaristiques établis. Ce protocole, c’était récemment celui de Party Girl ; ici aussi, la dimension pittoresque d’un environnement dont tout atteste la vérité produit une vraie sidération, la sensation d’entrer dans un territoire inexploré et excitant.

Gitan qu’il y aura des hommes…

Mange tes morts, cependant, ne s’en tient pas à ce naturalisme-là et, avec une force tranquille, laisse peu à peu la fiction prendre le dessus sur la réalité. Le film glisse lentement, au gré de la dérive nocturne de ses personnages partis pour aller voler une cargaison de cuivre, dans le polar. La tension monte jusqu’au casse proprement dit, où Hue brusque alors son dispositif, stylisant ses plans – la caméra, jusqu’ici à l’épaule et chevillée au point de vue du groupe, se lance dans des travellings fluides sublimés par un usage efficace du montage alterné.

Surtout, ce que le cinéaste avait réussi à installer – la crédibilité du milieu gitan – se charge d’une force mythologique qui évoque à la fois les polars populaires d’antan, mais aussi le réalisme nocturne et numérique d’un Michael Mann. Hue en remontre en tout cas à tous les Olivier Marchal et Fred Cavayé par un appétit de cinéma dément et surtout, affranchi de la moindre tentation télévisuelle. Un tour de force.

Mange tes morts
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