Alleluia

Alleluia
De Fabrice Du Welz (Fr-Belg, 1h30) avec Laurent Lucas, Lola Dueñas...

Fabrice Du Welz passe au tamis du surréalisme belge "Les Tueurs de la lune de miel", film américain de 1970, pour une version qui, malgré ses embardées baroques, son humour très noir et un Laurent Lucas absolument génial, reste un peu trop proche de son modèle. Christophe Chabert

Météore cinématographique, Les Tueurs de la lune de miel appartient à cette catégorie de films dont le souvenir se grave à vie dans l’esprit de ceux qui le voient. Leonard Kastle, musicien contemporain qui signait là sa seule réalisation pour le cinéma, s’emparait d’un fait divers tragique – un couple d’amants meurtriers recrutait des veuves par petites annonces, avant de les assassiner sauvagement une fois le mariage célébré – pour en faire une œuvre au romantisme paradoxal, entre amour fou et amour virant à la folie.

S’attaquer au remake d’un tel monument tient de la gageure, mais Fabrice Du Welz, qui a démontré dans Calvaire et le mésestimé Vinyan qu’il savait digérer ses influences cinéphiles pour en faire des films hautement personnels, a relevé le défi. Transposant l’histoire aujourd’hui dans les Ardennes, remplaçant les petites annonces par des sites de rencontres en ligne, il injecte surtout à la dramaturgie de Kastle ce qui fait sa patte : un goût pour le surréalisme belge, les apartés baroques et un humour particulièrement macabre.

Sur-réalisme

Il fait ainsi de son dragueur en série un homme à la sexualité fétichiste pratiquant des rituels de magie noire, et de l’infirmière jalouse une névrosée tiraillée entre l’envie de se mettre au service de son homme ou de le garder pour elle seule. Ces tarés, qui trouvent justement leur équilibre dans leur dinguerie respective, Du Welz les met en scène comme des créatures échappées d’un autre monde fait de vieux films en noir et blanc et de bûchers ardents où leur amour est célébré comme une cérémonie païenne. Alleluia tire profit de ce grand écart entre réalisme glauque (le grain énorme de la pellicule, les décors désespérants de quotidienneté triste) et envolées fantaisistes, osant même, le premier meurtre accompli, une parenthèse chantée avant découpe du cadavre !

Héritier avoué d’un André Delvaux, Du Welz manie avec talent la provocation et le malaise, épaulé par un Laurent Lucas retrouvé, aussi séduisant que flippant en vieux beau incapable de dominer ses pulsions. Le film, toutefois, peine à s’écarter de son écrasant modèle sinon par ce jeu de parenthèses et de digressions, plus variation stylisée que véritable réappropriation. Mais il confirme l’univers singulier d’un auteur vraiment passionnant.

Alleluia
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