Tuer un merle moqueur

Du silence et des ombres
De Robert Mulligan (ÉU, 2h09) avec Gregory Peck, Mary Badham...

Aux États-Unis, c’est un classique, considéré comme un des meilleurs films de tous les temps ; en France, Du silence et des ombres (To kill a mockingbird) reste une œuvre assez méconnue, et cette reprise opportune permet de comprendre cet engouement américain. Il traite de la violence des préjugés racistes à travers le procès intenté à un homme noir par une jeune femme qui l’accuse de l’avoir violée. Il est défendu par Atticus Finch, interprété par un remarquable Gregory Peck. Mais au-delà de la thèse, Du silence et des ombres est d’abord un film sur l’enfance. Le récit est raconté en voix-off par Scout, la fille d’Atticus, qui à l’écran ne quitte jamais son frère aîné Jem ; ensemble, ils font les 400 coups dans cette petite ville où les rumeurs courent vite, notamment celle sur leur voisin d’en face, Boo Radley.

La première partie du film montre donc les enfants propager à leur échelle les mécanismes de l’intolérance cruelle reposant sur des préjugés. Leur père se charge de les remettre sur le droit chemin, délivrant de douces leçons de vie avec élégance et humour. Dans la deuxième partie, celle du procès, ces mêmes mécanismes auront des conséquences nettement plus dramatiques : c’est alors une ville entière qui s’acharne sur un de ses citoyens, et Atticus doit endosser l’habit réconciliateur de la conscience morale d’un peuple encore scindé en deux.

La beauté du film de Mulligan tient à ce fascinant renversement de perspective, mais aussi à sa capacité à adopter le regard des enfants sur les deux situations. D’abord en les confrontant à leurs frayeurs puériles, puis en en faisant les spectateurs du procès, et même ses acteurs, comme dans la séquence formidable où Scout arrive, en singeant la sympathie surjouée qu’avait adoptée devant elle son père, à désamorcer une tentative de lynchage. Toujours subtil et complexe, le film mérite largement sa réputation et les louanges qui lui sont fréquemment adressées.

Du silence et des ombres
De Robert Mulligan (1962, ÉU, 2h09) avec Gregory Peck, Franck Overton…
Vendredi 9 janvier à 20h, à la Cinémathèque

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Cinéma...

Mercredi 6 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or "Anatomie d’une chute" et sans doute favorisé par la grève affectant...
Lundi 9 mai 2022 Trois ans après sa dernière “édition normale“, le Festival du cinéma italien de Voiron est enfin de retour au printemps en salle. Avec un programme dense, des invités et… sa désormais célèbre pizza géante. A tavola !
Vendredi 22 avril 2022 Orfèvre dans l’art de saisir des ambiances et des climats humains, Mikhaël Hers ("Ce sentiment de l’été", "Amanda"…) en restitue ici simultanément deux profondément singuliers : l’univers de la radio la nuit et l’air du temps des années 1980. Une...
Lundi 11 avril 2022 Alors que quelques-unes de ses œuvres de jeunesse bénéficient actuellement d’une ressortie dans des copies restaurées en 4K grâce au travail toujours (...)
Mardi 12 avril 2022 Un film de 8 heures qui raconte l'histoire d'activistes débutants, qui s'attaquent, à Grenoble, à des sites techno-industriels... C'est la projection que propose le 102, dimanche 17 avril.
Lundi 11 avril 2022 Piochés dans une carrière où l’éclectisme des genres le dispute à la maîtrise formelle et à l’élégance visuelle, les trois films de Mankiewicz proposés par le Ciné-club rappellent combien moderne (et essentiel) demeure son cinéma. On fonce !
Mardi 12 avril 2022 Né sous les auspices de la Cinéfondation cannoise, coproduit par Scorsese, primé à Avignon, "Murina" est reparti de la Croisette avec la Caméra d’Or. Une pêche pas si miraculeuse que cela pour ce premier long-métrage croate brûlé par le sel, le...
Mardi 29 mars 2022 Il s’agit désormais d’une tradition bien établie : chaque année, le festival Ojo Loco rend hommage au cinéma de genre le temps d’une nuit (agitée !) à (...)
Mardi 29 mars 2022 Aussi singulière soit l’histoire d’un voyage, il y a toujours un fond d’universel qui parle à chacun. Le festival isérois Les clefs de l’aventure n’existe (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X