Titli, une chronique indienne

Titli, une chronique indienne
De Kanu Behl (Ind, 2h07) avec Shashank Arora, Shivani Raghuvanshi...

Emblématique de la "nouvelle vague" indépendante indienne qui se développe à l’ombre de Bollywood, le premier film de Kanu Behl pose un regard juste et percutant sur les impasses sociales de son pays à travers les yeux d’un héros complexe et ambivalent. Christophe Chabert

Titli ("Papillon") a un rêve : acheter le parking d’un centre commercial en construction et échapper ainsi à la destinée de sa famille, deux frères miséreux et versés dans l’escroquerie, sous la coupe d’un père peu loquace mais néanmoins manipulateur et tyrannique. Ce rêve à un prix : 300 000 roupies. Alors qu’il parvient à collecter l’argent, un "carjacking" qui tourne mal et la corruption qui règne dans la police viennent compromettre ses plans. Il devra donc trouver une autre façon d’amasser la somme, notamment épouser Neelu, une jeune femme qui ne l’aime pas mais qui possède une riche dot.

Loin de Bollywood, de son glamour, de ses chansons et de son mélange des genres, Titli marque un nouveau pas vers la naissance d’une deuxième voie dans la production indienne : s’il s’agit du premier film de Kanu Behl, celui-ci a déjà une longue expérience d’assistant réalisateur et il a pu compter sur la figure de Dibakar Banerjee, lui-même pionnier de cette "nouvelle vague", en guise de producteur. Behl joue donc la carte du réalisme social, filmant les quartiers les plus pauvres de Dehli et inventant des personnages ambivalents, à commencer par Titli lui-même, loin d’être irréprochable dans sa conduite envers son entourage et son épouse.

De rouille et de safran

Les femmes n’ont cependant, dans Titli, pas envie d’être d’élégantes potiches. À commencer par l’ex de Vikram, l’aîné et le plus brutal des trois frères, qui demande le divorce et clame haut et fort son désir d’émancipation. La collusion entre un archaïsme moral et social est au cœur du film, où l’Inde capitaliste, en pleine expansion économique, devient l’eldorado d’une jeune génération encore engluée dans les pratiques douteuses et les traditions branlantes. Comme le film lui-même, autant en rupture avec la culture cinématographique locale que soucieux de donner une image fidèle de l’Inde actuelle.

Behl parvient ainsi à dessiner un beau polar social dans la lignée d’un Jacques Audiard – qu’il dit admirer – filmé caméra à l’épaule mais non exempt d’envolées stylistiques bienvenues. Surtout, comme Audiard, il n’a pas peur de créer un héros négatif comme substitut du spectateur, et le plonger dans les impasses d’un système face auxquelles il ne se comporte pas toujours comme une oie blanche. C’est sa volonté farouche qui crée la tension dans le récit, preuve de cette maturité nouvelle du cinéma indien.

Tilti, une chronique indienne
De Kanu Behl (Inde, 2h07) avec Shashank Arora, Shivani Raghuvanshi…

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