Monstres Academy
ECRANS le Mardi 30 novembre 1999 | par Christophe Chabert
Newsletter Grenoble
Chaque semaine, en un coup d'oeil, tous les programmes. un outil pratique et complet pour constituer sa semaine de sorties à Grenoble
Vice Versa tombe à pic pour rappeler deux choses essentielles : d’abord que les studios Pixar sont de grands aventuriers du cinéma, des pionniers qui ne se reposent pas sur leurs lauriers et semblent se nourrir de défis toujours plus ambitieux. Il a fallu huit ans au génial Pete Docter, déjà auteur de Monstres et Compagnie et de Là-haut, pour venir à bout de Vice Versa ; on comprend à sa vision à quel point tous les projets montés par le studio entre temps n’étaient que des récréations (parfois formidables comme Toy Story 3 ou Rebelle, parfois décevantes comme les suites de Cars et de Monstres et Compagnie) en attendant d’accoucher de cette œuvre majeure.
Deuxième rappel : le cinéma d’animation n’est pas, comme trop de productions Dreamworks ou Disney récentes ont eu tendance à l’affirmer, une recette commerciale visant à séduire les bambins en leur servant des produits formatés et opportunistes. Pixar travaille le genre dans ce qu’il a de plus noble : une ouverture vers un imaginaire figuratif illimité qui permet de nouer un dialogue riche et intuitif avec les jeunes spectateurs, tandis que les plus âgés font tourner à plein régime leurs méninges pour en décrypter les soubassements intellectuels.
ECRANS le Mardi 30 novembre 1999 | par Christophe Chabert
L’originalité de Vice-Versa, c’est qu’il est un peu le discours de la méthode Pixar, sans pour autant perdre de vue son caractère de récit d’aventures trépidantes, bourré d’humour et finalement résolument bouleversant. L’idée est, comme son titre l’indique, de renverser les perspectives : plutôt que de suivre de l’extérieur la vie d’une fillette de onze ans, Riley, nous allons la vivre de l’intérieur, depuis le quartier général de son cerveau où s’agitent ses émotions primaires – joie, tristesse, peur, colère, dégoût. Celles-ci sont représentées par autant de personnages colorés et fortement caractérisés, dont les conflits forment la matière principale de l’action.
Parmi elles, Joie a droit à une attention particulière : c’est elle qui, la première, découvre le monde à travers les yeux de Riley, et cette séquence d’ouverture est aussi simple et essentielle que l’aube de l’humanité chez Stanley Kubrick ou Terrence Malick. L’émerveillement y est tout autant un sujet qu’une matière vivante, cet instant où d’un blanc aveuglant jaillissent des formes et de la vie. Il y aura alors une deuxième "naissance" : une simple bille jaune dans laquelle cette image matricielle va se fixer, premier souvenir fondamental qui ira se stocker dans la mémoire de Riley, prêt à être réactivé en cas de besoin affectif. Se construit alors son monde intérieur, que Docter représente par des îles en apesanteur (la famille, le jeu, l’amitié) comme autant de repères essentiels qui définissent la personnalité de l’enfant.
ECRANS le Mardi 30 novembre 1999 | par Christophe Chabert
Le tour de force de Vice-Versa, c’est donc de rendre évident à l’écran ce qui ne l’était pas du tout sur le papier : figurer des concepts abstraits que les sciences cognitives, la psychanalyse et les neurobiologistes étudient sans relâche. À cela s’ajoute une autre tâche, encore plus immense : raconter l’instant où Riley va devoir faire le deuil de son enfance, c’est-à-dire accepter la complexité émotionnelle qui est le premier pas vers la maturité.
Vice-Versa se déploie alors sur deux plans : la dépression dans laquelle la fillette s’enfonce suite au déménagement de ses parents, et le moment où Joie et Tristesse sont expulsées du quartier général et vont devoir traverser toutes les routes cérébrales de Riley, périple propice à une débauche d’inventions aussi audacieuses que finement observées. Car les scénaristes du film semblent déplier à l’écran le travail invisible qui consiste à connaître jusque dans les moindres recoins la psyché de leur personnage : de quoi sont faits ses rêves ? Qu’est-ce qui habite son imagination ? Quels sont ses traumas, ses peurs, ses inclinations ?
À chaque étape, Docter fait preuve d'une générosité sans borne et d'un culot qui semble ne pas connaître de limites. Deux séquences sont ainsi littéralement inédites : celle où l’on visite le studio qui fabrique les rêves, variation autour de l’usine à cris de Monstres et Compagnie, où le film se plaît à réfléchir sa propre fabrication, quitte à égratigner en douceur la maison mère Disney ou les théories freudiennes ; et celle dans le couloir des pensées abstraites, où Vice-Versa devient pendant une dizaine de minutes une pure œuvre d’art, allant au bout de son concept en le renversant à nouveau : il ne s’agit plus de figurer les circuits mentaux, mais de les replonger dans une autre forme d’abstraction en les déconstruisant jusqu’au vertige.
Tout cela n’a en fin de compte qu’un seul but : emmener le spectateur vers le moment déchirant où Riley accepte que la tristesse n’est pas une émotion négative, mais un sentiment qui doit être mis en équilibre avec la joie. C’est la naissance de la mélancolie, d’une nouvelle bille qui n’est plus monochrome mais multicolore. Quelque chose a changé dans sa vie, mais dans la nôtre aussi : on ne regardera plus jamais le cinéma d’animation, sinon le cinéma tout court, comme avant après ce chef-d’œuvre qu’est Vice-Versa.
Vice-Versa
De Pete Docter (ÉU, 1h34) animation
Vice Versa tombe à pic pour rappeler deux choses essentielles : d’abord que les studios Pixar sont de grands aventuriers du cinéma, des pionniers qui ne se reposent pas sur leurs lauriers et semblent se nourrir de défis toujours plus ambitieux. Il a fallu huit ans au génial Pete Docter, déjà auteur de Monstres et Compagnie et de Là-haut, pour venir à bout de Vice Versa ; on comprend à sa vision à quel point tous les projets montés par le studio entre temps n’étaient que des récréations (parfois formidables comme Toy Story 3 ou Rebelle, parfois décevantes comme les suites de Cars et de Monstres et Compagnie) en attendant d’accoucher de cette œuvre majeure.
Deuxième rappel : le cinéma d’animation n’est pas, comme trop de productions Dreamworks ou Disney récentes ont eu tendance à l’affirmer, une recette commerciale visant à séduire les bambins en leur servant des produits formatés et opportunistes. Pixar travaille le genre dans ce qu’il a de plus noble : une ouverture vers un imaginaire figuratif illimité qui permet de nouer un dialogue riche et intuitif avec les jeunes spectateurs, tandis que les plus âgés font tourner à plein régime leurs méninges pour en décrypter les soubassements intellectuels.
ECRANS le Mardi 30 novembre 1999 | par Christophe Chabert
L’originalité de Vice-Versa, c’est qu’il est un peu le discours de la méthode Pixar, sans pour autant perdre de vue son caractère de récit d’aventures trépidantes, bourré d’humour et finalement résolument bouleversant. L’idée est, comme son titre l’indique, de renverser les perspectives : plutôt que de suivre de l’extérieur la vie d’une fillette de onze ans, Riley, nous allons la vivre de l’intérieur, depuis le quartier général de son cerveau où s’agitent ses émotions primaires – joie, tristesse, peur, colère, dégoût. Celles-ci sont représentées par autant de personnages colorés et fortement caractérisés, dont les conflits forment la matière principale de l’action.
Parmi elles, Joie a droit à une attention particulière : c’est elle qui, la première, découvre le monde à travers les yeux de Riley, et cette séquence d’ouverture est aussi simple et essentielle que l’aube de l’humanité chez Stanley Kubrick ou Terrence Malick. L’émerveillement y est tout autant un sujet qu’une matière vivante, cet instant où d’un blanc aveuglant jaillissent des formes et de la vie. Il y aura alors une deuxième "naissance" : une simple bille jaune dans laquelle cette image matricielle va se fixer, premier souvenir fondamental qui ira se stocker dans la mémoire de Riley, prêt à être réactivé en cas de besoin affectif. Se construit alors son monde intérieur, que Docter représente par des îles en apesanteur (la famille, le jeu, l’amitié) comme autant de repères essentiels qui définissent la personnalité de l’enfant.
Le tour de force de Vice-Versa, c’est donc de rendre évident à l’écran ce qui ne l’était pas du tout sur le papier : figurer des concepts abstraits que les sciences cognitives, la psychanalyse et les neurobiologistes étudient sans relâche. À cela s’ajoute une autre tâche, encore plus immense : raconter l’instant où Riley va devoir faire le deuil de son enfance, c’est-à-dire accepter la complexité émotionnelle qui est le premier pas vers la maturité.
ECRANS le Mardi 30 novembre 1999 | par Christophe Chabert
Vice-Versa se déploie alors sur deux plans : la dépression dans laquelle la fillette s’enfonce suite au déménagement de ses parents, et le moment où Joie et Tristesse sont expulsées du quartier général et vont devoir traverser toutes les routes cérébrales de Riley, périple propice à une débauche d’inventions aussi audacieuses que finement observées. Car les scénaristes du film semblent déplier à l’écran le travail invisible qui consiste à connaître jusque dans les moindres recoins la psyché de leur personnage : de quoi sont faits ses rêves ? Qu’est-ce qui habite son imagination ? Quels sont ses traumas, ses peurs, ses inclinations ?
À chaque étape, Docter fait preuve d'une générosité sans borne et d'un culot qui semble ne pas connaître de limites. Deux séquences sont ainsi littéralement inédites : celle où l’on visite le studio qui fabrique les rêves, variation autour de l’usine à cris de Monstres et Compagnie, où le film se plaît à réfléchir sa propre fabrication, quitte à égratigner en douceur la maison mère Disney ou les théories freudiennes ; et celle dans le couloir des pensées abstraites, où Vice-Versa devient pendant une dizaine de minutes une pure œuvre d’art, allant au bout de son concept en le renversant à nouveau : il ne s’agit plus de figurer les circuits mentaux, mais de les replonger dans une autre forme d’abstraction en les déconstruisant jusqu’au vertige.
Tout cela n’a en fin de compte qu’un seul but : emmener le spectateur vers le moment déchirant où Riley accepte que la tristesse n’est pas une émotion négative, mais un sentiment qui doit être mis en équilibre avec la joie. C’est la naissance de la mélancolie, d’une nouvelle bille qui n’est plus monochrome mais multicolore. Quelque chose a changé dans sa vie, mais dans la nôtre aussi : on ne regardera plus jamais le cinéma d’animation, sinon le cinéma tout court, comme avant après ce chef-d’œuvre qu’est Vice-Versa.
Vice-Versa
De Pete Docter (ÉU, 1h34) animation
De Pete Docter (EU, 1h34) animation
De Pete Docter (EU, 1h34) animation
voir la fiche du film
Au Quartier Général, le centre de contrôle situé dans la tête de la petite Riley, 11 ans, cinq Émotions sont au travail. Lorsque la famille de Riley emménage dans une grande ville, avec tout ce que cela peut avoir d’effrayant, les Émotions ont fort à faire pour guider la jeune fille durant cette difficile transition.
voir la fiche du filmECRANS | Déception pour le nouveau Pixar : la greffe entre l’univers de "Monstres et Cie" et celle du film de campus ne prend qu’à moitié, et le scénario paraît bien (...)
ECRANS | Mais qui arrêtera les studios Pixar ? Leur retour à une histoire originale après deux prolongations de franchises maison donne lieu à une pure merveille, (...)
ECRANS | C’est une habitude dont on ne se lasse pas : Pixar domine cette année encore les débats en matière de divertissement intelligent, avec ce troisième volet des (...)
ECRANS par Vincent Raymond le Lundi 2 juillet 2018 | De retour à l’animation après une parenthèse en prises de vues réelles, Brad Bird donne une suite superlative à ses "Indestructibles", où le divertissement (...)
ECRANS par Vincent Raymond le Lundi 27 novembre 2017 | Un petit Mexicain parcourt le Royaume des Morts pour déjouer une malédiction familiale et obtenir une bénédiction en retour. Coutumier des quêtes en milieu (...)
ECRANS par Vincent Raymond le Lundi 27 novembre 2017 | Piller de Pixar, le réalisateur de "Monstres & Cie", du "Monde de Nemo" ou de "Toy Story 2 & 3" est à nouveau à la manœuvre pour "Coco", qu’il évoque (...)
ECRANS par Vincent Raymond le Mardi 24 novembre 2015 | Après avoir conquis les esprits et les cœurs au printemps grâce à "Vice-Versa", le studio Pixar sort son second film de l’année. Est-ce une si bonne nouvelle (...)
ECRANS par Christophe Chabert le Mardi 16 juin 2015 | "Vice-Versa", chef-d’œuvre absolu signé Pete Docter, est un nouveau cap pour la révolution initiée depuis vingt ans par les studios Pixar dans le cinéma (...)
ECRANS par Christophe Chabert le Mercredi 3 juin 2015 | Chaque mois, Le Petit Bulletin vous propose ses coups de cœur cinéma des semaines à venir en vidéo. (...)
ECRANS par Christophe Chabert le Mardi 26 mai 2015 | S’il y a eu de belles choses dans la deuxième moitié de la compétition cannoise – les films de Jia Zhang-ke et Jacques Audiard en premier lieu – cette édition (...)
ECRANS par Christophe Chabert le Dimanche 7 juillet 2013 | Déception pour le nouveau Pixar : la greffe entre l’univers de "Monstres et Cie" et celle du film de campus ne prend qu’à moitié, et le scénario paraît bien (...)
ECRANS par Christophe Chabert le Mercredi 15 août 2012 | Mais qui arrêtera les studios Pixar ? Leur retour à une histoire originale après deux prolongations de franchises maison donne lieu à une pure merveille, (...)