Agnès Jaoui : « Plus on montrera des femmes normales, plus on les acceptera »

Aurore
De Blandine Lenoir (Fr, 1h29) avec Agnès Jaoui, Thibault de Montalembert...

Interview / Agnès Jaoui campe le premier rôle dans "Aurore", une comédie insolite de Blandine Lenoir sur la ménopause et contre la tyrannie des apparences. On l'a rencontrée.

Aurore aborde un sujet concernant les femmes de plus de cinquante ans, et sort justement au moment où l’on parle de la difficulté des actrices de cet âge de se voir confier des rôles…

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Agnès Jaoui : Le cinéma reflète peu ou prou la société civile, où les femmes ont moins de postes importants. Si on écrit un rôle de chirurgien, de commissaire, de personnalité politique, on ne va pas forcément penser à une femme, alors que ça pourrait être simplement le cas. Souvent, on va se sentir obligé de faire en sorte que ça devienne un sujet en soi.

Ce que je trouve aussi très énervant, c’est que les acteurs masculins de 40 à 70 ans ont souvent des épouses ayant 20 ou 30 ans de moins qu’eux, et que plein de femmes se battent pour eux alors qu’ils sont vieux et bedonnants. Ça m’irrite profondément parce que dans la vie, Dieu merci, beaucoup d’hommes de 50 ans et plus sont avec des femmes de leur âge parce qu’ils les aiment. Bizarrement, quand on passe au cinéma, elles perdent 20 ans – et 20 kg en général (rires).

D’ailleurs, il y a aussi des femmes qui font du cinéma qui tombent dans le même "piège". Cela fait partie de notre colonisation mentale, de notre acceptation sournoise et inconsciente de l’inégalité entre les hommes et les femmes de nos jours. Même s’il y a des avancées...

Toutes les actrices n’auraient pas accepté le rôle que vous tenez dans le film…

Peut-être… Je n’en sais rien. Certaines, en tout cas pendant assez longtemps, ne sont même pas maman parce qu’elles savent (ou pressentent) qu’il faut rester un fantasme. En devenant mères, on perd un peu de potentiel fantasmagorique.

Et puis surtout, beaucoup de mes consœurs sont beaucoup plus jeunes que moi maintenant (sourire). Parce qu’elles ne vieillissent pas. Mais je les comprends : si un producteur cherche un rôle de 40 ans et que vous en avez 44, ça va être difficile, alors que si vous en avez 32, il n’y a aucun problème. Alors 50, 51, 52… c’est carrément affreux !

Le fait de réaliser vos films vous libère-t-il de toutes ces contraintes ?

Pas de toutes, mais de beaucoup. Je subis comme tout le monde le pouvoir de l’image qui est extrêmement important. Je ne vois que des femmes sans rides, jeunes. Et lorsque je me regarde après, je me dis : « Merde ! C’est pas beau, je ne suis pas belle, il faut faire quelque chose ! »

C’est pour ça que des films comme celui de Blandine Lenoir sont importants. Plus on montrera des femmes normales, plus on les aimera et on les acceptera.

Votre personnage manifeste une opinion tranchée par rapport à la chirurgie esthétique…

Quand les femmes sont refaites, on est d’une cruauté terrible – je dis "on" car c’est autant valable pour les femmes que les hommes. Et quand on n’est pas refaite, on est aussi atroce en disant : « Qu’est-ce qu’elle est tapé, elle a pris cher ! » Quelle est la solution, si ce n’est… montrer ?

Heureusement, il y a des tas de femmes et d’hommes qui s’en foutent. Parce que c’est autre chose que l’apparence physique qui nourrit.

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