"Pas sur la bouche" d'Alain Resnais : cinéma d'opérette

La Cinémathèque de Grenoble poursuit son cycle consacré au cinéaste disparu en 2014 avec ce savoureux film datant de 2003 au casting étincelant.

La Cinémathèque de Grenoble poursuit son cycle consacré à Alain Resnais dans un parfait désordre chronologique. Ne voyez là aucune malice : l’œuvre du cinéaste est d’un tel éclectisme et d’une telle originalité qu’elle parvient à se jouer singulièrement du temps. Et si certaines de ses réalisations les plus anciennes atteignent une atemporalité envoûtante, accentuée par la photographie noir et blanc, d’autres plus récentes prennent un plaisir gourmand et ludique à télescoper les époques. Dans le savoureux On connaît la chanson (1997, projeté lundi 16 octobre), c’était en sertissant ses dialogues d’extraits de refrains empruntés au vaste répertoire populaire du XXe siècle ; dans Pas sur la bouche (2003, projeté jeudi 19 octobre) c’est en adaptant une opérette années folles de Maurice Yvain.

Intrigue bourgeoise délicieusement surannée à base d’amourettes croisées, de petites cachoteries et de grandes retrouvailles, ce film "parlant et chantant" réunit les sociétaires de la troupe (Sabine Azéma, Pierre Arditi, Lambert Wilson – à l’exception d'André Dussollier, affecté aux amusantes bandes-annonces), donnant la réplique à la relève du cinéma français (Audrey Tautou et Jalil Lespert, encore tout jeunots) et à un fringant Darry Cowl, irrésistible dans les jupons d’une concierge à l’œil écarquillé – ce rôle travesti lui valut d’ailleurs un César.

Aussi composés que ceux de Mélo (1996) auquel ils renvoient souterrainement, les décors ultra théâtraux sont des écrins pour des mélodies diaboliques d’efficacité : après la vision, la simple évocation du quai Malaquais vous donnera envie de reprendre la rengaine du film et le moindre trou de serrure vous rappellera l’indiscret Darry Cowl. Mais le comble du décalage revient à Pierre Arditi, interprète ronchon-moustachu d’une chanson en apparence anodine sur les embouteillages, qui prend un sens politique glaçant dans le contexte de l’Entre deux-guerres.

Pas sur la bouche
Au cinéma Juliet-Berto jeudi 19 octobre à 20h

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