"Les Oiseaux de passage" : chanvre amérindien

Les Oiseaux de Passage
De Ciro Guerra, Cristina Gallego (Col-Dan-Mex, 2h05) avec José Acosta, Carmiña Martínez...

Comment une peuplade amérindienne fut à l’origine des cartels de la drogue colombiens. Les cinéastes Ciro Guerra et Cristina Gallego déconstruisent le thriller sur fond de tragédie antique et ethnographique pour livrer un polar singulier fascinant de poésie et de couleurs.

Colombie, années 1970. Vivant au rythme de leurs traditions, dans le respect des codes, plusieurs familles appartenant à l’ethnie des Wayuu se lancent dans le lucratif trafic de drogue vers les États-Unis. Mais, peu à peu, des dissensions naissent entre associés et une guerre sans merci éclate…

Pour la première fois, le Colombien Ciro Guerra est ici crédité comme coréalisateur. Il partage son fauteuil avec Cristina Gallego, partenaire artistique de toujours dont l’influence et le rôle n’ont cessé de s’accroître au fil du temps : elle était notamment monteuse-productrice de leur précédente collaboration, l’hypnotique L’Étreinte du serpent (2015), étonnant mariage entre conte philosophico-éthnographique et récit d’aventures célébré sous l’égide d’un noir et blanc esthétique .

Wayuu, voyous

Les Oiseaux de passage s’engage sous les mêmes auspices, même si son ouverture à contenu narratif ultra-minimaliste peut dérouter, évoquant davantage un documentaire sur des Amérindiens qu’une fiction. Car il s’agit en effet d’une épopée de narcotrafiquants alternative, moins centrée sur la glorification héroïque des criminels (on n’est pas dans Scarface ni Blow) que sur les conséquences telluriques, spirituelles et métaphysiques du déséquilibre induit par le commerce de la marijuana : l’occidentalisation et l’enrichissement du peuple wayuu par le dévoiement de la nature entraînent la perte de son harmonie séculaire. Et provoqueront la création des cartels.

Guerra et Gallego rendent compte de la temporalité propre à cette société en dissolvant l’action : la puissance du verbe et les longs palabres remplacent l’omniprésence du feu, les rites se substituent aux codes mafieux classiques. Pour autant, la tension est bien celle d’un thriller renvoyant à la fois au cinéma de Sam Peckinpah (pour le désert pulvérulent, la chaleur, les rares fusillades) et paradoxalement à Barry Lyndon pour l’ascension et la chute d’un petit caïd, dont la plupart des hauts faits sont évacués grâce à des ellipses. Balançant entre l’abstraction poétique et la description concrète, Les Oiseaux de passage dégage une puissance surréaliste bien plus psychotrope que n’importe quelle substance hallucinogène. Et l’accoutumance est moins nocive…

Les Oiseaux de passage
de Ciro Guerra et Cristina Gallego (Col-Dan-Mex, 2h05) avec José Acosta, Carmiña Martínez, Jhon Narváez…

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