"Meurs, monstre, meurs" : promenons-nous dans l'effroi

Meurs, monstre, meurs
De Alejandro Fadel (2019, Arg-Fr, 1h49) avec Victor Lopez (II), Esteban Bigliardi...

Une mystérieuse créature sème la désolation dans la pampa en faisant perdre la tête au sens propre à des femmes et au sens figuré à des hommes. Bizarre, dérangeant, plastiquement costaud, ce premier long-métrage du réalisateur argentin Alejandro Fadel vaut le cou(p).

Une bergère est retrouvée décapitée dans les Andes. En charge de l’affaire, l’officier Cruz arrête aussitôt l’époux de sa maîtresse, David, lequel accuse un monstre télépathe du forfait. Après un nouveau meurtre et une série de visions perturbantes, Cruz va adhérer à cette théorie…

Cannes 2018. Une trop longue année après avoir été présenté sur la Croisette dans la section Un Certain Regard (dont l’intitulé lui va à ravir et où il côtoyait le précieux Border d’Ali Abbasi avec lequel il partageait mieux que des similitudes : une gémellité siamoise), le film de Alejandro Fadel, objet cinématographique insolite, est enfin délivré sur les écrans.

On se trouve ici davantage fasciné par le brumeux labyrinthe du mystère que par son élucidation. Car si d’emblée il ne fait aucun doute pour le spectateur qu’une présence atypique, manifestement surnaturelle, est responsable des crimes imputés au malheureux accusé, le caractère monstrueux de cette entité déteint via l’enquête sur l’atmosphère globale du film...

La tête à l’envers

La moindre image suscite ainsi une indéfinissable sensation dérangeante, de décalage ou de suspicion, qu’il s’agisse des paysages apparaissant anormalement symétriques ou encore des trognes des protagonistes, particulièrement marquées, suggérant une humanité dévorée par une bestialité incongrue. Mais comme dans Border ou Freaks, aucun individu ne saurait être réduit à la rudesse de ses traits ni à une quelconque singularité : différence n’est pas synonyme de monstruosité.

Au reste, un véritable monstre nourrit sa puissance de son invisibilité ainsi que de la promesse de sa matérialisation. Et lorsqu’il donne corps au fantasme de son existence, c’est au détriment d’une part de son pouvoir de menace ou de suggestion. Dans ce thriller freudien, où la psy se trouve particulièrement inopérante (pour ne pas dire inutile), son surgissement surprendra forcément tant sa forme conjugue l’ambiguïté à toutes les sauces : hybride, il semble à la fois si quelconque de banalité inoffensive, si terrifiant de férocité prédatrice qu’il en devient davantage redoutable. Et surtout encore plus indéchiffrable – davantage encore quand on sait que c’est Stéphane Rideau (mais comment est-il arrivé dans la pampa ?) qui l’interprète…

Meurs, monstre, meurs
De Alejandro Fadel (Arg-Chi-Fr, 1h49) avec Victor Lopez, Esteban Bigliardi, Jorge Prado…

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