Jamel Debbouze : « On est dans un classique, on a l'impression d'être au Louvre ! »

Le Roi Lion
De Jon Favreau (2019, ÉU, 1h58) animation

Acquis à la cause de Simba depuis leur plus tendre enfance, Jamel Debbouze, Anne Sila et Rayane Bensetti, soit une partie des voix françaises de la nouvelle version du "Roi Lion", ne nous ont pas caché leur fascination pour le film original et son remake. Propos rapportés d’une rencontre enjouée.

Avez-vous un souvenir de votre première vision du Roi Lion de 1994 ?

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Anne Sila : Je ne me souviens pas de la première fois, mais je l’ai vu un millier de fois, je le connais par cœur ! Il fait partie des histoires qui, bizarrement, touchent tout le monde, quoi qu’on ait vécu : il touche à l’enfance, et on retrouve notre petit cœur de bébé (sourire).

Jamel Debbouze : J’ai tout fait pour le voir à l'époque, c’était un événement tellement incroyable, tout le monde en parlait, on ne pouvait pas passer à côté ! Je me rappelle avoir resquillé tellement j’avais envie de le voir : un ami à Trappes avai t payé sa place au cinéma Le Grenier à Sel et avait ouvert la porte de secours…(rires)Je me souviens encore très bien de toutes les sensations, j’étais passé par tous les états : la joie, de la peine, et re-de la joie… C’est un film incroyable.

On a tous vu des images du nouveau film, et même si on a tous été au cinéma souvent, c’est aussi incroyable : j’ai rarement vu un truc pareil, ça défie les lois de la pesanteur ! On voit des animaux parler, vivre, se mouvoir… La première fois, l’histoire m’avait frappé ; là, c’est un degré de plus, une expérience sensorielle unique.

Et pour vous, Rayane, qui aviez en plus à jouer Simba ?

Rayane Bensetti : C’est un mélange de souvenirs, de pression, de rêve… Le Roi Lion, c’est le tout premier film que j’ai vu dans ma vie ; ça a été mon film préféré très longtemps, j’ai grandi avec comme Anne, je l’ai vu 10 000 fois, ses musiques accompagnent ma famille depuis l’enfance. Être aujourd’hui Simba, c’est un rêve de gosse : je ne m’en rends pas compte.

JD : On est dans un classique, on a l’impression d’être au Louvre ! (rires)

C’est vous, Jamel, qui avez le plus l’habitude du doublage. Habituellement, la post-synchronisation se fait séparément ; or là vous faites partie d’un duo (Timon et Pumbaa). Avez-vous enregistré avec Alban Ivanov ?

JD : Oui, mais pas tout, évidemment. Parce que Alban est très dissipé. Il me fallait un minimum de concentration, et comme ce n’est pas un professionnel, je l’ai rappelé à l’ordre une fois ou deux. Et je dois dire qu’il a pris le pli… (rires)

En fait, je connais Alban depuis tout petit et on a plus que des automatismes : des tropismes. On a tellement ri ensemble que j’avais l’impression que j’étais Timon et lui Pumbaa pour de vrai – on se parle encore en Timon et Pumbaa, on n’a pas décroché.

Un rôle chanté ajoute-t-il de la pression ?

JD : Pour vous dire la vérité, j’ai fait ici ce que je n’avais jamais fait : je voulais absolument être dans cette distribution, je ne voulais pas passer à côté de ce classique qui est un monument. J’ai une longue histoire avec Disney, depuis Dinosaure, c’est une maison que je connais bien ; c’est presque ma famille. Alors j’ai saoulé Boualem Lamhene [le vice-président de Disney en charge des "talents] : j’ai accroché un post-it par jour chez lui, dans sa voiture. Mais il n’était pas chaud.

Il m’a dit m’a dit c’est compliqué, qu’il fallait chanter. Or moi, je ne sais pas chanter, c’était mon mon problème. Alors j’ai pris des cours de chant. J’ai passé 20 heures à me faire humilier par une dame qui ne me connaissait même pas qui me disait « Faux, nul, non, pas aigu, non, pas avec le ventre mais Madame, on ne chante pas avec le ventre, on chante avec la bouche ! » J’ai fini par donner tout ce que je pouvais, et ça a donné ce que vous avez entendu.

Dans votre duo avec Alban Ivanov, vous correspondez bien chacun à votre personnage…

JD : Vous voulez dire que j’ai la tête d’un suricate ? Et le physique aussi ? (rires) Il faut que l’on ressemble un peu aux personnages si on veut les incarner, ça passe aussi par là. Alors oui, je dois avouer avec plaisir, j’ai un petit air de suricate. Et Alban, c’est vrai qu’on dirait un sanglier. Tout le monde s’accorde à dire que c’est évident. Donc effectivement, on colle aux personnages…

Faut-il coller au texte ou bien peut-on s’autoriser de l’improvisation ?

RB : Pas vraiment, il faut écouter ce qu’ont fait les Américains ; ça va jusqu’aux intonations de Donald Glover. C’est que j’ai fait pour Simba. Pour moi, le plaisir est arrivé en plusieurs temps. D’abord on voit la scène en anglais, on lit le texte – et on l’apprend un petit peu –, on sait comment le relancer et on enregistre un peu les intonations. Mais j’étais tellement captivé par le film que je ne regardais pas le texte !

En plus, j’ai eu un déclic final : j’ai fait tout le film avec ma voix, et à la fin, pendant le doublage du combat entre Scar et Simba, au moment de la phrase-clé « pars loin et ne reviens jamais », il y a un énorme plan sur Simba, et j’ai fait une voix un petit peu différente. C’était la voix de Simba. Alors j’ai demandé à tout refaire. J’ai recommencé, mais ça s’est fait très vite le lendemain avec cette voix.

Avez vous ajouté une touche personnelle par rapport à la VO ?

RB : Non, je ne me serais pas permis. C’est Disney : on s’attaque à un grand classique et je ne peux pas ajouter des trucs qui viennent de moi ou d’autres. J’ai essayé d’être le plus pro, le plus carré possible. Il y a une quand même une attente derrière Simba ; je n’ai pas envie que les gens soient déçus parce que j’ai fait du Rayane Bensetti. Il fallait être Simba.

JD : Moi j’ai ajouté une phrase en arabe, à vous de la trouver ; j’espère que ça va pas trop décevoir Disney (rires). En fait, c’est la première fois de ma vie que j’accepte ça. Boualem Lamhene voulait absolument que je ne sois pas moi, mais Timon. C’était compliqué, parce que j’ai toujours tendance à improviser, à aller chercher des choses, des sons, des fins de phrases, mais Boualem a été intransigeant et n’a pas voulu qu’on sorte du texte, et qu’on colle à la réplique : « c’est un classique, c’est pas le film à ta mère, c’est une partition extraordinaire, qu’est que ce tu veux ajouter à l’extraordinaire ? » (rires) Je l’ai écouté.

Vous qui savez ce que c’est que se frotter à un film d’animation, quelle caractéristique technique vous a ici le plus bluffé ?

JD : Le rendu est incroyable ! J’ai eu la chance de côtoyer de grands studios comme Prana en Inde qui ont fait L’Odyssée de Pi, où il était déjà question d’un tigre. Mais là, j’ai pu voir qu’on était passé à une autre stratosphère. On s’acharne souvent à faire un bon personnage en négligeant un peu les décors. Là, tout est travaillé à la perfection dans les moindres détails, on s’y perd vraiment.

J’adore les films animaliers, j’adore les Disney, j’adore les films d’animation, franchement, et au départ, on ne sait pas où l’on est tellement c’est réel. Ils réussissent à faire des matières confondantes. On a pu le constater dans Nemo, l’eau est presque de la matière. Là, elle atteint un niveau jamais atteint. Le plus dur est d’avoir donné de l’âme à ces personnages. Leurs yeux sont des éléments extrêmement importants, le pelage est fou, je n’ai jamais vu ça.

Vous avez évoqué le classique d’il y a 25 ans, avez-vous peur ou l’espoir que ce nouveau film devienne un classique et qu’il remplace le précédent ?

JD : Chacun a sa place : cela se consomme totalement différemment. Effectivement, on un œil éduqué, pas la même perception des choses avec nos gosses, mais l’histoire est tellement intemporelle et universelle, les dialogues et les situations tellement fortes que ça dépasse les générations. Je prendrai autant de plaisir à voir le classique, quoiqu’il arrive, mais c’est quand même une expérience sensorielle incroyable.

AS : On nous offre une madeleine de Proust sur un plateau. Pas améliorée, parce que ce n’est pas la question, pour le simple plaisir de le revivre avec de petits côtés nouveaux.

25 ans après, les films ne sont-ils pas un cran plus stressants, et les enfants plus préparés à des films faisant un peu plus peur ?

JD : Pour avoir un peu lu sur Walt Disney, je sais qu’il s’est inspiré de contes ancestraux, d’Ésope, de Grimm… Quand on lit Psychanalyse des contes de fées de Bettelheim, on se rend compte que rien n’est nié et que la peur est un élément très important pour raconter une histoire et éduquer les enfants. Il ne s’agit pas de les stresser, mais de leur raconter la vie en les faisant légèrement rêver. Je ne sais pas si j’ai bien répondu à la question, mais j’ai adoré ma réponse ! (rires)

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