Les traits d'un renouveau

zoom / L’exposition L’impressionnisme de France et d’Amérique réussit à susciter l’émerveillement face aux découvertes picturales, et, très pédagogique, elle permet aussi de mieux appréhender un mouvement qui bouleversa un système artistique inadapté au monde moderne. Séverine Delrieu

La première exposition à Grenoble sur ce mouvement majeur dans l’Histoire de l’Art qu’est l’impressionnisme, rassemble 80 œuvres provenant de musées français et américains. Ambitieuse, véritablement instructive, l’exposition impressionne surtout par la qualité des œuvres réunies. Ceci fut d’ailleurs possible grâce au FRAME (French & Regional American Museum Exchange), une association franco-américaine qui regroupe aujourd'hui 12 musées américains, et 12 musées français de région, dont fait partie la Musée de Grenoble. «Il y a trois ans, explique Guy Tosatto Directeur du musée, nous avons lancé le projet de rassembler les tableaux les plus importants de chaque musée FRAME autour du mouvement de l'impressionnisme. Cela nous semblait particulièrement intéressant, parce que la réception de l'impressionnisme aux États-Unis et en France était très différente». Et pour cause. En France, à la fin du 19e, ce mouvement fut immédiatement rejeté par ses contemporains. Alors qu’aux Etats-Unis, de riches collectionneurs tels que les Havemeyer à New York, les Palmer à Chicago ou encore le fameux docteur Barnes, furent friands de ces travaux. Mais si les toiles ont pu voyager outre-atlantique, c’est grâce au marchand d’art français, Durand-Ruel, figure importante dans l’histoire du mouvement, qui installe sa galerie à New York, la première vitrine pour les toiles impressionnistes. Puis, au fil du temps, les collections se formèrent et donnèrent naissance à de prestigieux musées régionaux aux États-Unis. Ce pan de l’histoire du mouvement, est brillamment raconté dans la dernière salle de l’exposition grenobloise, avec moult documents photographiques, textes pour illustrer le propos, et d’un diaporama se déroulant sur une musique de Debussy, afin d’être parfaitement immergé dans l’univers impressionniste. Ce que parvient à réaliser d’ailleurs, l’ensemble de l’exposition qui aborde et embrasse tous les aspects de l’impressionnisme.Du classicisme vers l’abstractionDes œuvres flirtant avec le classicisme sont accrochées sur les cimaises de la première salle. Une bonne initiative qui permet de mieux cerner au cours de la visite, les évolutions, les changements apportés par les impressionnistes au niveau de la technique et de l’esthétique. Une toile de Frédéric Bazille, peintre montpelliérain peu connu, L’Atelier de la rue de Furstenberg, retient l’attention. Sur cette toile, on voit un tableau de son ami Monet avec qui il partage le lieu ; une austérité, une noirceur se dégage de cette toile, mais la présence de l’artiste est révélée par des détails qui permettent de saisir la lutte engagée pour exister en tant qu’artiste. On pénètre plus avant dans l’impressionnisme à proprement dit par la suite, jusqu’à la dernière salle consacrée à Monet, ou la lumière et l’atmosphère sont travaillées à partir de séries sur les Nymphéas, ou des vues d’un Londres embrumé. Ces toiles, splendides, éclatantes de couleurs et de mystère, annoncent l’abstraction. Chaque salle est teintée d’une couleur particulière et le plafond filtre une lumière d’été, les notions fondamentales des impressionnistes enrobent ainsi la déambulation. D’autre part, si certaines salles réunissent des tableaux d’un seul peintre, comme celle étonnante consacrée à Degas - qui a toujours été une sorte de dissident du groupe d’ailleurs -, ou encore celle qui réunit de touchantes, et sensibles estampes de Mary Cassatt, d’autres sont structurées autour d’un thème, tels que les paysages, les transports, portraits de femme, scènes de rue, natures mortes. Chaque salle permet aussi de mieux connaître les peintres à travers des anecdotes – on apprend que Caillebotte, peintre mais aussi entrepreneur, fut le seul peintre a avoir pu constitué un fonds d’œuvres impressionnistes -, ou de voir comment la photographie, dont la naissance se situe vers 1820, fut d’une importance cruciale dans la peinture des impressionnistes, notamment au niveau du cadrage, et de la composition du tableau.Nature, lumières et couleursAu milieu de toiles connues, mais dont la vision ravie toujours autant, comme Madame Claude Monet lisant de Renoir, une nature morte de Cézanne, Les champs de coquelicots de Monet etc…, d’autres perles moins connues saisissent. Notamment le magnifique tableau de Pissarro La route près de la Ferme, énigmatique et évident à la fois. Les chemins semblent d’ailleurs un motif inspirant ces peintres, puisque Renoir en peint également de très beaux. Les changements climatiques, la neige, les nuages, les cieux se retrouvent modulés par les ressentis et l’âme de chacun des peintres. Dont les apaisants paysages d’Alfred Sisley, ou encore les paysages enneigés de Pissarro ou son superbe Automne, Peupliers, dont le bruissement des feuilles nous parvient. Les portraits sont comme pris sur le vif, à la manière d’un cliché. Les jeunes femmes de Berthe Morisot ont des regards prenants. Édouard Manet, peint des femmes plus sombres. La Rêveuse de Renoir tout comme le Portrait d’Edmond Renoir vibrent de vie et de présence étrange. Enfin chez Caillebotte comme chez Degas, on sent que la photographie fut totalement intégrée au travail pictural tant les prises de vues, les perspectives, sont précises et marquées et apportent une vraie modernité au mouvement.L’impressionnisme de France et d’Amérique Monet, Renoir, Sisley, Degas… jusqu’au dim 20 jan 2008, au Musée de Grenoble

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