Désir d'avenir

Devant ses portes, à l’air libre, le Musée de l’ancien évêché organise une exposition originale et pertinente sur les envies de métier des jeunes handicapés. Pour en savoir plus, on a rencontré la photographe Maryvonne Arnaud. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Petit bulletin : Comment est né le projet d’exposition ?
Maryvonne Arnaud : Tout est parti d’une rencontre avec Annie Raymond de l’association Comme c’est curieux, qui m’a raconté son idée : il y a des jeunes handicapés, qui sont peut-être différents, mais qui ont les mêmes désirs que les autres jeunes de leur âge. J’ai ainsi rencontré quelques enfants trisomiques au cours d’une réunion, et j’ai été énormément touchée. Je me suis alors posée des questions que je ne m’étais jamais posées jusque-là par rapport au handicap, et j’ai dit à Annie « d’accord, je me lance dans cette aventure avec toi »…

Une aventure qui a pour but de montrer que les jeunes handicapés ont des désirs de métier comme n’importe quel autre jeune…
L’idée d’Annie était de dire : ok, ils ont un handicap, mais ils ont les mêmes désirs, et ce serait bien que la société les aide. Comment faire ainsi pour que le regard des gens change ?

C’est donc un travail militant mais aussi très artistique…
Je ne suis pas militante, je travaille comme artiste. Mais j’aime travailler sur des choses qui ont du sens, sur des problèmes contemporains.

Sur le sujet même de l’exposition, cela peut sembler bizarre voire dérangeant de photographier des désirs d’enfants qui pour certains ne se réaliseront jamais du fait de leur handicap…
Annie Raymond, par le biais de son réseau d’associations, choisissait des jeunes entre quatorze à trente ans. Quand j’étais avec des enfants, cela ne m’a pas posé de problème : un garçon de treize ans qui veut être pompier, cela peut paraître irréel mais comme pour tous les autres enfants ; la plupart changeront d’ailleurs de rêve. Après, j’ai eu du mal à l’accepter pour les plus grands : quand on a trente ans et qu’on rêve d’être chanteur, il y a peu de chances qu’on le soit quand on est handicapé. Le propos m’a donc un peu dérangée, dans le sens où l’on ne peut pas faire rêver ces jeunes à un métier et leur dire ensuite qu’il n’est pas pour eux. Mais en même temps, dans notre société, j’imagine que les caissières de Carrefour n’ont pas rêvé petites d’être caissière de Carrefour. Donc finalement, la question est assez universelle : il y a un tas de gens qui ne font pas le métier dont ils avaient rêvé quand ils étaient jeunes.

Comment s’est passé le travail photographique avec les jeunes handicapés, et notamment la mise en scène ?
Il n’y a pas de mise en scène, je les ai laissés évoluer dans l’espace, chacun étant plus ou moins à l’aise devant l’objectif. L’idée était de les photographier dans un lieu qui évoque leur métier rêvé. Par exemple, la jeune Marine voulait être agricultrice, mais il n’y a pas de travail de mise en scène. Je n’ai pas contacté avant un agriculteur, on est allées à la campagne, et on en a rencontré un par hasard, dans les champs, devant une ferme. Les gens ont d’ailleurs assez souvent joué le jeu, ils étaient à chaque fois très chaleureux vis-à-vis de ces jeunes.

L’exposition, à l’air libre, est construite de manière originale…
Annie Raymond voulait au début des textes d’écrivains à qui elle avait demandé d’écrire sur le sujet. Mais elle n’a pas eu de réponses immédiates, ça n’allait pas assez vite. Je lui ai donc dit que la parole des jeunes était aussi intéressante, écoutons-les : chaque fois, pendant les prises de vue de deux ou trois heures, j’avais de très jolies phrases. Ensuite, j’avais très envie de montrer plusieurs facettes de ces enfants, de ne pas les résumer à un seul portrait. J’ai donc proposé qu’il y ait différentes photos à différentes hauteurs, pour que les jeunes qui arrivent en fauteuil ou les enfants puissent avoir des images en face d’eux. Les photos sont disposées sur des totems qui tournent, il y un axe décentré, qui fait que selon les moments et la manipulation des visiteurs, ils n’ont jamais la même forme, les images et les textes pouvant être superposés de manière différentes. Le fait qu’il y ait des textes incite aussi les spectateurs a passé un moment devant chacun des totems, et à réfléchir.

LA VIE AUTREMENT
Jusqu’au 21 septembre, dans la cour du Musée de l’Ancien Evêché

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